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applaudissemens d’un public qu’elle enivrait de sa voix magique, et qui l’épuisait à son tour des transports de son enthousiasme ; jeune fille si belle à voir et si ravissante à entendre qu’on ne pouvait la voir et l’entendre à la fois. Oh ! si vous l’aviez vue paraître, froide d’abord et belle comme une statue antique, absorbant dans son regard toute une foule muette et pâlissante ! si vous aviez vu ses narines se gonfler, ses lèvres frémir, son sein s’agiter aux premiers accords ! puis comme tout à coup sa voix, sortant à flots harmonieux, coulait douce et sonore, ou éclatait forte et passionnée ! Voix du ciel ; voix de l’enfer, remuant tous les cœurs, vibrant dans toutes les ames, les rafraîchissant de suaves mélodies, ou les torturant sans pitié d’accens cruels et déchirans ! Moi, je l’ai vue, cette femme, comme un lutteur épuisé de sa victoire, s’arrêter, les bras pendans, les yeux éteints, et l’on eût pu entendre son haleine embrasée s’échapper inégale et pressée de sa gorge haletante ; et la foule était là sans force, sans voix, osant à peine aspirer l’air… Puis c’était comme un rêve dont on sortait par un coup de tonnerre ; il n’y avait qu’un seul cri, qu’un seul enthousiasme, et la jeune fille souriait ; ses mains tremblantes se croisaient sur sa poitrine, et des larmes de bonheur brillaient à ses cils abaissés. »


Valterna laissa tomber sa tête sur son sein. « Vous l’aimez ! dit le Français en lui pressant la main avec un sentiment d’affection sympathique.


— Oh ! elle était ma vie, répondit le jeune homme. La voir et l’entendre, c’était toute ma joie. Avant elle mes jours coulaient tristes et nonchalans, j’existais sans passions, sans tourmens, sans désirs : je la vis, je l’entendis, et mes jours se passèrent à désirer le soir, et le soir je sentais à mes larmes que j’étais né pour le bonheur. Les autres l’admiraient, je la bénissais en secret ; ils avaient pour elle de l’enthousiasme, pour elle mon ame aurait un culte ; elle n’était que le soir de leurs jours, elle était mes jours tout entiers. Oh ! vous ne savez pas ce que c’est que cette existence fade et monotone à laquelle on se laisse aller, vide d’émotions, de sou-