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mon Dieu que j’ai pleuré !… » Et voilà comment l’adagio, tout d’abord pressentiment vague, s’est achevé bientôt sur une lamentation déchirante.

Le meilleur de Bruckner se trouve consigné dans ces pages. Aux regrets poignants, à cette révolte qui hérissait sa chair devant les adieux éternels et l’horreur de la destruction, il opposait chrétiennement ses espérances, la foi en un Dieu qui a bien voulu être notre Père, sa vision d’un Paradis où la beauté et la bonté rayonneront inépuisablement sur la sainte hiérarchie des élus. Pieux et candide à la manière de César Franck, Bruckner avait, comme lui, cette puissance de souffle qui permet d’atteindre aux régions supérieures. Et rien ne ressemble mieux à l’inspiration qu’une telle ferveur. Toutes deux se rejoignent dans l’enthousiasme. L’une vient librement du ciel, l’autre, s’efforce d’y monter.

Mais Bruckner, avouons-le, est ignoré en France. À peine si les grands concerts ont joué certaines de ses symphonies, dont la Quatrième, souvent dénommée Symphonie romantique, et la Huitième, dédiée à l’empereur François-Joseph. On a bien essayé, après la guerre, de nous montrer sa Neuvième symphonie, en remplaçant le final inachevé par le grand Te Deum, qui fut composé entre 1883 et 1884, comme cela se fait en Autriche et en Allemagne. Malheureusement, le festival avait lieu à Notre-Dame et, comme l’acoustique de la vénérable basilique n’était pas moins défectueuse que l’exécution matérielle, on aboutit à un échec.

Il émane pourtant de Bruckner, cœur fervent et pur, une telle irradiation qu’on lui revient assez volontiers, une fois par lustre ou par décade, ne fût-ce que pour apprendre enfin à l’aimer. Si cette leçon d’amour ne va point sans lassitude, qu’importe ! M. Charles Münch et la « Société Philharmonique de Paris », malgré le fâcheux avertissement de Notre-Dame, ont bien osé afficher la Septième symphonie à la salle Pleyel, le 28 janvier 1937. Ce fut une soirée intéressante. Grâce à sa double culture, que favorisent ses atavismes et ses affinités d’Alsacien, M. Charles Münch pourrait devenir la Providence de ces partitions d’outre-Rhin, où la pensée égale trop souvent en densité les matériaux sonores qu’elles utilisent, mais dont la force et la grandeur sollicitent l’attention. Ce