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il tâchait de se faire oublier, cherchant fortune au dehors. L’Allemagne paraissait offrir à cet égard des chances plus favorables. C’est ainsi qu’Arthur Nikisch accepta de conduire la Septième symphonie à Leipzig, le 30 décembre 1884. Hermann Lévi la présenta ensuite aux Munichois, le 10 mars 1885. Cette double expérience ayant réussi, les organisateurs s’enhardirent. Ils rendaient grâces à Hermann Lévi d’avoir porté, après l’exécution de Munich, un toast vibrant « au second Beethoven ». Ce petit discours eut un retentissement prodigieux. Et les conservateurs à outrance, débordés, connurent avec dépit que leurs persécutions n’avaient servi qu’à faire des prosélytes.

Néanmoins, la symphonie en exil dut courir les grands chemins une année entière avant de pouvoir rentrer dans sa patrie, la terre promise du Beau Danube bleu. L’auteur n’osait affronter les critiques de Vienne. Quel supplice que leurs comptes rendus et leurs feuilletons ! Le cruel Hanslick n’allait-il pas le mettre en pièces ? D’hésitation en hésitation, la Septième symphonie en mi majeur ne fut jouée à la « Philharmonie », sous la baguette de Hans Richter, que le 21 mars 1886. Ici encore, le succès passa toute espérance. Et cette fois, elle eut une portée si décisive que les braves Autrichiens, après avoir tant querellé Bruckner sur « sa musique d’ivrogne », se mirent à l’exalter comme le plus digne héritier de Schubert, puis, insensiblement, comme leur compositeur national.

Pendant les dix années qui suivirent, les dernières, Anton Bruckner, décoré, pensionné, reçu en audience par François-Joseph à la « Hofburg », nommé docteur de l’Université de Vienne, voyait enfin venir à lui ces titres et ces avantages pécuniaires qu’un bureaucrate appelle respectueusement les honneurs. On l’engageait à déposer au pied du trône sa prochaine symphonie, la Huitième, dont Sa Majesté Apostolique l’Empereur et Roi daignait agréer la dédicace. Et comme toutes ces faveurs découlaient de la Septième symphonie, celle-ci passait naturellement pour un chef-d’œuvre.

Après le mémorable concert du 21 mars 1886, les adeptes, dit-on, s’étaient joints à leur bon maître pour fêter joyeusement sa victoire. La bière, le vin, le punch, ces amis fidèles