Page:Revue de Paris, année 22, tome 2, 1915.djvu/245

Cette page a été validée par deux contributeurs.
243
LA PHILOSOPHIE FRANÇAISE

à ses idées ont dû adopter quelque chose de sa méthode. Par l’appel qu’il a lancé au sentiment, à l’intuition, à la conscience profonde, il a encouragé une certaine manière de penser que l’on trouvait déjà chez Pascal (dirigée, il est vrai, dans un sens tout différent), mais qui n’avait pas encore droit de cité en philosophie. Quoiqu’il n’ait pas construit un système, il a inspiré en partie les systèmes métaphysiques du xixe siècle : le Kantisme d’abord, puis le « romantisme » de la philosophie allemande lui durent beaucoup. L’art et la littérature lui doivent au moins autant. Son œuvre apparaît à chaque génération nouvelle sous quelque nouvel aspect. Elle agit encore sur nous[1].

Dans le coup d’œil que nous venons de jeter sur la philosophie française du xviie et du xviiie siècles, nous avons pris une vue d’ensemble ; nous avons dû laisser de côté un grand nombre de penseurs et ne considérer que les plus importants d’entre eux. Que sera-ce pour le xixe siècle ? Il n’y a guère de savant français, ni même d’écrivain français, qui n’ait apporté sa contribution à la philosophie.

Si les trois siècles précédents avaient vu naître et se développer les sciences abstraites et concrètes de la matière inorganique, — mathématiques, mécanique, astronomie, physique et chimie, — le xixe siècle devait approfondir en outre les sciences de la vie : vie organique et même, jusqu’à un certain point, vie sociale. Ici encore les Français furent des initiateurs. On leur doit la théorie de la méthode, et une partie importante des résultats. Nous faisons allusion surtout à Claude Bernard, et à Auguste Comte.

L’Introduction à la médecine expérimentale de Claude Bernard[2] a été, pour les sciences concrètes de laboratoire, ce que le Discours de la méthode de Descartes avait été pour les sciences plus abstraites. C’est l’œuvre d’un physiologiste de

  1. Voltaire (1691-1778) appartient à l’histoire des lettres plutôt qu’à celle de la philosophie. Nous nous attachons surtout, dans le présent travail, à ceux qui furent, en philosophe, les créateurs d’idées et de méthodes nouvelles.
  2. 1813-1878.