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LA PHILOSOPHIE FRANÇAISE

I

Toute la philosophie moderne dérive de Descartes[1]. Nous n’essaierons pas de résumer sa doctrine : chaque progrès de la science et de la philosophie permet d’y découvrir quelque chose de nouveau, de sorte que nous comparerions volontiers cette œuvre aux œuvres de la nature, dont l’analyse ne sera jamais terminée. Mais de même que l’anatomiste fait dans un organe ou dans un tissu une série de coupes qu’il étudie tour à tour, ainsi nous allons couper l’œuvre de Descartes par des plans parallèles situés les uns au-dessous des autres, pour obtenir d’elle, successivement, des vues de plus en plus profondes.

Une première coupe révèle dans le cartésianisme la philosophie des idées « claires et distinctes », celle qui a définitivement délivré la pensée moderne du joug de l’autorité pour ne plus admettre d’autre marque de la vérité que l’évidence.

Un peu plus bas, en creusant la signification des termes « évidence », « clarté », « distinction », on trouve une théorie de la méthode. Descartes, en inventant une géométrie nouvelle, a analysé l’acte de création mathématique. Il décrit les conditions de cette création. Il apporte ainsi des procédés généraux de recherche, qui lui ont été suggérés par sa géométrie.

En approfondissant à son tour cette extension de la géométrie, on arrive à une théorie générale de la nature, considérée comme un immense mécanisme régi par des lois mathématiques. Descartes a donc fourni à la physique moderne son cadre, le plan sur lequel elle n’a jamais cessé de travailler, en même temps qu’il a apporté le type de toute conception mécanistique de l’univers.

Au-dessous de cette philosophie de la nature on trouverait maintenant une théorie de l’esprit ou, comme dit Descartes, de la « pensée », un effort pour résoudre la pensée en éléments

  1. 1596-1650.