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LE FEU

bouche dans les violettes ; — quelquefois, vous êtes cruel pour lui…

Il semblait que cette humble chose odorante l’aidât à confesser sa peine, à mieux atténuer encore le timide reproche qu’elle adressait à son ami. Elle se tut ; il courba la tête. On entendait les tisons pétiller sur les chenêts ; on entendait la pluie monotone battre le jardin en deuil.

— Une soif de bonté, ah ! vous ne saurez jamais quelle soif !… La bonté, mon ami, la vraie, la profonde, celle qui ne sait pas parler, mais qui sait comprendre, celle qui sait donner tout dans un seul regard, dans un petit geste, et qui est forte, et qui est sûre, toujours dressée contre la vie qui séduit et qui souille… Cette bonté, la connaissez-vous ?

Sa voix était tour à tour ferme et hésitante, si chaude de lumière intérieure, si pleine d’âme révélée, que le jeune homme la sentait passer à travers tout son sang, non pas comme un son, mais comme une essence spirituelle.

— En vous, oui, en vous je la connais !

Il lui prit les deux mains, qui tenaient sur ses genoux les violettes ; et, se courbant, il les baisa toutes les deux avec soumission. Il resta devant elle, à ses pieds, dans une attitude soumise. Le délicat parfum ennoblissait sa tendresse. Pendant la pause, le feu et l’eau parlèrent.

La femme demanda, d’une voix limpide :

— Croyez-vous que je sois sûre pour vous ?

— Est-ce que tu ne m’as pas regardé dormir sur ton cœur ? répondit-il d’une voix altérée, saisi tout à coup d’une émotion nouvelle : car, dans la question inattendue, il voyait cette âme se présenter à lui nue et droite ; et il sentait trembler au fond de son orgueil un besoin secret de croire et de s’appuyer.

— Oui, mais qu’est-ce que cela prouve ? Sur n’importe quel oreiller, la jeunesse a le sommeil tranquille. Tu es jeune…

— Je t’aime et je crois en toi ; je m’abandonne à toi tout entier. Tu es ma compagne. Ta main est forte.

Il avait vu l’angoisse bien connue décomposer les lignes de ce cher visage ; et son accent avait tremblé d’amour.

— La bonté ! — reprit-elle en lui caressant les cheveux sur les tempes, d’un geste léger. — Tu sais être bon ; tu as le besoin de consoler, doux ami ! Mais une faute a été com-