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LE FEU

comme si son âme était rompue au travers de sa chair, terrible et misérable.

— Que fais-tu de moi ? Que faisons-nous de nous-mêmes ? reprit-elle avec angoisse.

Ils avaient lutté, haleine contre haleine, cœur contre cœur, comme dans une mêlée ; ils avaient senti la saveur du sang. Tout à coup, ils avaient cédé à la passion comme à une aveugle volonté de se détruire. Ils avaient secoué la vie l’un de l’autre comme pour la déraciner.

— Je t’aime ! dit-il.

— Pas ainsi, je voudrais que ce ne fût pas ainsi…

— Tu me troubles. Soudain, la furie me prend…

— C’est comme une haine…

— Non, ne dis pas cela !

— Tu me déchires comme si tu voulais m’achever…

— C’est toi qui m’aveugles. Je ne sais plus rien…

— Qu’est-ce qui te trouble ? Que vois-tu en moi ?

— Je ne sais,

— Ah ! moi, je le sais bien !

— Pourquoi te tourmenter ainsi ? Je t’aime. C’est l’amour qui…

— Qui me condamne. Il faut que j’en meure… Donne-moi encore le nom que tu me donnais !

— Tu es mienne ; je ne te perdrai pas.

— Tu me perdras.

— Mais pourquoi ? Je ne comprends pas. Quelle démence est la tienne ? Mon désir t’offense ? Mais toi, est-ce que tu ne me désires pas aussi ? Est-ce que tu n’es pas prise de la même fureur ? Tes dents claquaient…

Irritable, il la brûlait plus profondément, exaspérait la plaie. Elle se couvrit le visage avec ses paumes. Son cœur frappait sa gorge devenue rigide, comme un marteau dont elle eût senti les coups durs se répercuter au sommet de son crâne.

— Regarde !

Il toucha sa lèvre endolorie, pressa la petite blessure, tendit vers la femme ses doigts teints par la goutte de sang qui en avait coulé.

— Tu m’as blessé. Tu mordais comme une bête sauvage…

Brusquement elle se dressa sur ses pieds, se tordit comme