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LA REVUE DE PARIS

dogme pour toujours. Son Théâtre de Fête, bien que bâti en bois et en briques, étroit et imparfait, n’en a pas moins une sublime signification. Là, l’œuvre d’art n’apparaît que comme la religion devenue sensible sous une forme vivante. Le drame est un rite.

— Honorons Wagner, — dit Antimo della Bella. — Mais, si cette nuit doit rester mémorable par une annonce et par une promesse attendues de celui qui, ce soir, montrait le mystérieux navire à la foule, invoquons de nouveau l’âme héroïque qui nous a parlé par la voix de Donatella Arvale. En posant la première pierre de son Théâtre de Fête, le poète de Siegfried la consacra aux espérances et aux victoires germaniques. Le Théâtre d’Apollon, qui s’élève rapidement sur ce Janicule où jadis les aigles descendaient pour apporter les présages, doit être seulement la révélation monumentale de l’idée vers laquelle notre race est conduite par son génie. Affirmons de nouveau le privilège dont la nature a ennobli notre sang.

Stelio se taisait, bouleversé par des forces tourbillonnantes qui le travaillaient avec une sorte de fureur aveugle, semblables aux énergies souterraines qui soulèvent, déchirent, transfigurent les régions volcaniques pour la création de nouvelles montagnes et de nouveaux abîmes. Tous les éléments de sa vie intérieure, assaillis par cette violence, paraissaient en même temps se dissoudre et se multiplier. Des images grandioses et terribles passaient sur ce tumulte, accompagnées de mélodies. Des concentrations, des dispersions très rapides de pensées se succédaient, comme les décharges électriques pendant la tempête. À certains moments, c’était comme s’il avait entendu des clameurs et des chants par une porte qui se fût ouverte et refermée sans cesse ; comme si des rafales lui avaient apporté les cris alternés d’un massacre et d’une lointaine apothéose.

Tout à coup, avec l’intensité des visions fébriles, il vit la terre brûlée et fatale où il voulait faire vivre les âmes de sa tragédie ; il en sentit toute la soif au dedans de lui-même. Il vit la mythique fontaine qui seule interrompait l’ardente sécheresse, et, sur la palpitation des sources, la candeur de la vierge qui devait mourir là. Il vit sur le visage de Perdita le masque de l’héroïne apaisé dans la