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on dit, élevée, mais de forme molle et de courant verbeux. En 1870 il venait de publier une épopée familière extraordinairement plate, Pernette, qui a sa place dans l’histoire de la décadence du roman en vers. Après la guerre les Poèmes civiques et le Livre d’un Père honorèrent le libéral, le chef de famille, le député de Lyon à l’Assemblée Nationale, plus que le poète. Si ce professeur a abusé du discours de distribution versifié, reconnaissons qu’il représente honorablement un certain humanisme poétique, et qu’il maintient les communications de la poésie avec les grandes causes humaines.

Le voisinage de Lamartine semble avoir encouragé dans cette région (que je prends pour exemple, mais on en pourrait choisir d’autres, un dénombrement complet étant au moins inutile) l’apparition de nombreux bardes locaux voués au culte des lettres, arborant sur leur gentilhommière le pavillon de la Muse, qu’écussonnait le blason de leur province, cherchant des rimes entre les rangs de leurs vignes, présidents de l’Académie locale, voire députés, couronnés par l’Académie française, de bon accueil, de bonne cave, avec belle famille ou jolie servante. La plupart avaient eu vingt ans en 1848 et disparurent pleins de jours au début du XXe siècle. C’était en Franche-Comté Édouard Grenier, auteur de longs romans en vers à la Pernette, de poésies civiques et patriotiques, et à qui Jules Lemaître apporta un bâton de maréchal inattendu en le faisant figurer dans les Contemporains. C’était le bon Nivernais Achille Millien. De 1871 au XXe siècle, le Mâconnais de Lamartine députe encore à l’Assemblée, puis à la Chambre le vieux poète son ami, Henri de Lacretelle. Le plus curieusement représentatif de ces départementaux est peut-être le Dijonnais Stephen Liégeard qui, né en 1830, mourut presque centenaire, écrivit des vers pour des Académies qui ne lui épargnèrent pas le laurier, le lui épargnèrent d’autant moins que, châtelain en Bourgogne, à Cannes et en d’autres lieux, il possédait les vignes qui donnent le meilleur Chambertin, répandait les paniers de vins avec autant de prodigalité que les poèmes, les discours et les conférences. Malgré cela, et une juste popularité provinciale, la même malchance que sur de Brosses et Piron, du côté des fauteuils académiques, pesa sur lui. Il fut le Ragueneau académique dont on buvait le vin pendant