Page:Revue de Paris, 40è année, Tome IV, Juil-Août 1933.djvu/465

Cette page a été validée par deux contributeurs.

classique. Son malheur de poète fut d’avoir fait des études, de sorte qu’on songe devant la Mer à un Corbière manqué, devant la Chanson des Gueux à un Bruant scolaire, devant les Caresses à un musée secret académique, devant les Blasphèmes à de la grasse et saine matière qui se sent matérialiste, en outre !

On y songe souvent, mais pas toujours. Nul n’a mieux transposé que Richepin l’âme et le rythme des chansons populaires, et la Chanson des Gueux mérite souvent son titre. Et les Caresses existent… Le matérialisme d’école et de lit fait pendant chez Richepin au matérialisme d’artiste de Gautier : à l’un et à l’autre bout du romantisme, ces poids physiques se correspondent comme ceux d’une horloge, ou mieux comme ceux d’un Hercule de foire dans ses deux mains.

Remarquons d’ailleurs que Gautier et Richepin, happés dès la trentaine par le ménage de la vie, Gautier après Fortunio, Richepin après les Blasphèmes, n’ont pu maintenir, ni l’un ni l’autre, ces attitudes décoratives que le public ne prend jamais au sérieux et qui ne durent que quelques saisons, comme la forme d’un boxeur. Ils sont devenus vite des chefs de famille rangés, ont aspiré à distribuer sous les broderies vertes la pécune de Montyon. Ne trahissant jamais d’ailleurs, et maintenant toujours son pur honneur au culte poétique.

Depuis le livre de Maurras sur l’Avenir de l’Intelligence, on classe volontiers nos meilleures poétesses dans une section qu’on appelle le romantisme féminin, et l’on estime que la femme poète est romantique par position. Il faut croire que romantique n’est pas un terme très clair, puisqu’on s’en sert et pour reprocher à Richepin son manque de sincérité, et pour caractériser chez madame de Noailles l’excès tumultueux des passions. Disons que madame de Noailles a maintenu en pleine période symboliste l’accent direct et le feu des grands romantiques. Disons aussi qu’elle est restée, comme la plupart des poètes de son sexe, étrangère à ces recherches de forme auxquelles les Parnassiens s’employaient. Venue de Dacie, comme Moréas de Grèce, elle est entrée en contact fulgurant non avec les écoles françaises, mais avec le courant et le cœur du lyrisme.

La moitié de ses vers chantent l’amour, et tous ses romans