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l’Illusion, Jean Lahor, qui, de l’Inde décorative de Leconte de Lisle fait descendre la poésie dans l’Inde des philosophes. Cependant les vrais disciples de Sully Prudhomme, ceux qui forment avec lui un groupe harmonieux et solide, seraient bien plutôt ces poètes sans grand lyrisme ni virtuosité, mais très cultivés, toujours soucieux de faire affleurer la pensée jusqu’au bord de leurs vers sérieux et pleins, ces praticiens mélancoliques et subtils de la vie intérieure, généralement universitaires, et à qui la muse offre des repos entre des œuvres de critique, une vie pour soi dans les intervalles d’une vie pour autrui. C’est le critique d’art Georges Lafenestre, dont le dernier recueil, Images fuyantes (1902), contient nombre de pièces solides, d’une émotion bien humaine et d’un beau style. C’est le professeur d’anglais Auguste Angellier, dont le nom restera comme celui de Heredia et de Sully Prudhomme dans l’histoire du sonnet français, et dont les cent soixante-dix sonnets de l’Amie perdue font une manière de Petrarque flamand ; le latiniste Frédéric Plessis, un M. Bergeret plus viril, dont les vers souvent nous font toucher du doigt l’endosmose du vers latin d’humaniste, et de l’alexandrin français, un poète scolaire ou scholarque au sens le meilleur du mot. À ce groupe penseur on joindra volontiers Auguste Dorchain, disciple préféré de Sully Prudhomme, dont il gagna le cœur par le titre et le sujet de son premier livre, la Jeunesse pensive. La tradition de ce quartier poétique serait aujourd’hui maintenue par Fernand Gregh, dont le bon métier date un peu, mais dont les meilleures pièces nous rendent fort bien ce qu’on a appelé l’émotion de pensée, une des saines habitudes de la poésie à la fin du XIXe siècle.

Ce n’est que très conventionnellement qu’on peut rattacher au Parnasse tant de poètes intelligents et analystes, attentifs d’ailleurs à la tenue du vers, qui poussent sur les confins des penseurs et des inquiets, à égale distance de Sully Prudhomme et de Baudelaire. Nommons, entre les personnalités de ce tiers-parti, Paul Bourget, qui de 1872 à 1882 écrivit quatre livres de poèmes qui furent goûtés plus pour le ton direct et prenant de la confession que pour la forme, qui est sans grâce : les titres du second, la Vie inquiète, et du dernier, les Aveux, sont exacts et significatifs ; Georges