Page:Revue de Paris, 40è année, Tome IV, Juil-Août 1933.djvu/134

Cette page a été validée par deux contributeurs.

donné par l’Art Poétique, avait à peu près disparu dès la fin du XVIIe pour un siècle et demi, jusqu’à Sainte-Beuve. Le romantisme ne le ressuscita pas, sauf Musset qui l’essaya quelquefois avec négligence, Hugo à qui l’importunité des femmes en arracha deux pour des albums, et qui en fit encore trois, puis, bien entendu, Arvers, ce notaire qui écrivit dix-sept pièces de théâtre, mais un sonnet, le sonnet. Dans l’école de 1830, Sainte-Beuve en reste le mainteneur, d’abord par dilettantisme de critique et pour agrandir l’honneur d’avoir ressuscité Ronsard dans son Tableau, ensuite parce que le cadre du sonnet soutient le poète qui est peu poète, comme des ballons maintiennent sur l’eau le nageur malhabile. C’est peut-être dans deux ou trois sonnets que Sainte-Beuve a donné sa note la plus pure.

Il est naturel que le Parnasse ait ramené, chez les poètes et dans le public, le goût du poème à forme fixe, qui s’impose dès qu’en matière de poésie lyrique le métier l’emporte sur l’élan, et que le tour de force y est admiré, comme au cirque. Banville lui fait une grande place dans son Traité, il a écrit en abondance sonnets, ballades, chants royaux, qui d’ailleurs compriment sa verve et ne lui réussissent guère. Les métaphores d’atelier et l’esthétique du Parnasse ont amené les poètes à se choisir dans les poèmes à forme fixe des spécialités. Comme il y a dans la cuisine de grande carte les entremettiers et les sauciers, il y eut, autour des fourneaux poétiques, un sextinier (le comte de Gramont, qui ne fit que des Sextines, genre de poème arbitraire et fatigant), un balladier (Laurent Tailhade, à la fin du XIXe siècle dans les ballades fortes en gueule d’Au pays du mufle), et surtout des sonnetiers, dont les deux principaux furent un Lyonnais, Joséphin Soulary, et Heredia.

Heredia est peut-être le seul des poètes parnassiens dont le nom et l’œuvre tiennent tout entiers dans le mot et dans l’idée de Parnasse, et qui ne l’outrepasse ni dans la direction du XVIIIe siècle, comme Sully Prudhomme, ni dans celle des années quarante du XIXe siècle comme Leconte de Lisle, ni dans celle de Béranger comme Coppée. Ce vieil Espagnol, ce seigneur soldat, engagé dans la troupe poétique française, a choisi sa bande, n’en est plus sorti, n’a pas eu besoin d’écrire,