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tériser cette époque, l’épithète de banvillesque, qui s’appliquait à un certain genre de rime, de vers et de théâtre. Du Feuilleton d’Aristophane (1852) à Riquet à la Houppe, qu’il écrivait l’année de sa mort en 1892, Banville a fait du théâtre toute sa vie. Le Baiser est resté le type de la comédie de Pierrot. Son acte équilibre celui du Passant. Un acte de vingt-cinq minutes, c’est la durée que comporte ce genre aimable (il y a bien des longueurs dans À quoi rêvent les jeunes filles et Mangeront-ils ? — qui ont deux actes et les Romanesques et la Princesse lointaine sont interminables) : l’équivalent dramatique du sonnet parnassien ! Partout la peau de chagrin de la poésie française se rétrécit.

Les cinq actes ne sont meublés suffisamment que si le poète adapte Shakespeare, ou s’il écrit une comédie héroïque, ou s’il continue la tradition du drame romantique.

Les comédies de Shakespeare, arrangées et traduites en vers, ont connu à l’Odéon de très gros succès, des centaines de représentations, avec le Marchand de Venise d’Edmond Haraucourt, Conte d’Avril (la Douzième Nuit) d’Auguste Dorchain. Il est à remarquer que les comédiens et le public jusqu’à 1914 n’ont guère admis le théâtre grec et shakespearien que traduit en vers. Au théâtre d’Orange, jouer en prose eût paru une injure au Mur et à la Muse. À la veille de la guerre, le succès d’une Nuit des Rois, en prose, devant le public du Vieux-Colombier, est déjà un signe des temps, et Copeau ne dresse plus sa troupe aux grandes orgues du vers classique.

La comédie héroïque, appelée par le décor Louis XIII comme la comédie poétique par le décor de Watteau, avait été assez infructueusement cultivée par le rimeur Émile Bergerat avec Enguerrande (1883), la Nuit bergamasque (1887) et le Capitaine Fracasse (1896). Mais il est l’auteur d’une bonne définition du vers comique tel que le lui a appris son maître Banville. « Ce vers coloré, pittoresque, vivant de sa propre gaîté gasconne, presque indépendant de la pensée qu’il contient, gardant en ses sonorités le haut ton déclamatoire du milieu dramatique où il est éclos, c’est au romantisme qu’on le doit. Il est le vers comique moderne. » Cette gaîté gasconne s’incarna dans un Gascon, Cyrano, porté par un Marseillais, Edmond Rostand. Le théâtre en vers aspirait à son Capitaine Fracasse,