Page:Revue de Paris, 40è année, Tome III, Mai-Juin 1933.djvu/843

Cette page a été validée par deux contributeurs.

par la tradition romantique, écrits à la guerre même par un combattant, possèdent quelque valeur propre ils n’ont pas eu de succès. Quant aux poèmes de guerre de Claudel, de Gregh, ils ont mal survécu aux circonstances : les cris de guerre des civils ou demi-civils étaient diminués par déposition. L’ode malherbienne de Maurras, l’Arrêt sur la Marne, n’a ajouté que peu à sa gloire. La Grande Guerre a bien marqué le tombeau de la poésie de combat, de combat contre l’étranger.

Plus tôt finie encore la poésie de combat politique et social, celle qui, avec Lamartine, Hugo, Barbier, borde d’une frange de lumière toute la vie politique du XIXe siècle. Les luttes religieuses de la République produisent une vaste littérature de combat catholique et de combat anticlérical : batailles de presse où la poésie n’a pas d’autre part que Religions et Religion. L’affaire Dreyfus a été un tumulte d’intellectuels, non un tumulte de poètes. Le mouvement démocratique, social, socialisant, qui gouverne la vie politique française est resté à peu près étranger à la poésie française. Un seul nom serait retenu à ce sujet : celui de Clovis Hugues, dont la faconde méridionale a gardé çà et là, dans ses pièces sociales et socialistes, quelque tradition des Châtiments.

Il semble qu’ainsi la poésie se soit épurée de l’accidentel, du grossier, du commun, qu’elle se soit retirée vers ses tabernacles et ses essences. Et il y a en effet de cela. Mais plus sûrement encore, voyons là un témoignage de sa diminution et de son anémie. La force combative est une preuve de virilité, une énergie, une jeunesse. On peut l’identifier à la force tout court. Et surtout à la passion. Mais qu’il s’agisse de la passion amoureuse ou de la passion civique, la passion, dans la poésie française, n’a guère survécu au romantisme. « Béranger, dit Flaubert, a fait accroire à la France que la poésie consistait dans l’exaltation rimée de ce qui lui tenait au cœur. » L’auteur de Salammbô parle ici en burgrave du Parnasse. C’était tout le romantisme qui avait continué à tenir la poésie pour l’exaltation de ce qui tient au cœur humain, individuellement, nationalement, politiquement, religieusement. Les Parnassiens, en se déclarant impassibles, en jouant sur cette question de la passion, et contre elle, les destinées de la poésie,