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Et s’empourpre en tâchant de tirer l’étincelle
De toute cette morne et livide langueur,
Et le vers irrité devient une lueur.
Ainsi rougit dans l’ombre une face farouche
Qui vient sur un tison souffler à pleine bouche.


C’est écrit en avril 1870, quand la face s’approchait et que le tison allait devenir fournaise. Mais l’avenir est femme, et l’on en prévoit ordinairement le contraire de ce qui arrive. La Troisième République allait voir au contraire la fin de cette poésie de combat, la clôture du livre satirique.

Victor Hugo, seul, comme Lamartine, au Retour des Cendres, voulait Napoléon seul ! Le livre satirique, c’est lui. Le lutteur, c’est lui. Évidemment l’Année terrible ne vaut pas les Châtiments. Outre que l’âge est là, la haine de l’homme qui est né de l’autre côté de l’eau, et qui n’a pas de raisons en soi de ne point vivre comme vous, a toujours plus faiblement inspiré les lettres que la haine du concitoyen qui est de l’autre côté de votre foi, même de vos intérêts. Comparez, de Barrès, la Chronique de la Grande Guerre avec Leurs Figures ! Mais enfin l’Année terrible, parce qu’elle est de Victor Hugo, reste le seul feuillet du livre poétique de guerre qui soit assuré de vivre. Notons d’ailleurs que les plus beaux morceaux sont inspirés par la guerre civile : Sedan, qui paraît le dernier poème des Châtiments ; les pièces sur la Commune, au-dessus de la mêlée, appels à la paix, à la concorde entre les citoyens ; le cri profond et poignant devant Strasbourg et Metz arrachés : avec plus de lenteur, plus de redites et plus d’ombres, ce n’est pas indigne des Châtiments. Nous reconnaissons le fleuve oratoire de la poésie romantique.

En dirons-nous autant de la poésie anticléricale du Livre Satirique et de Religions et Religion ? Elle est plus démodée. Elle fait vieil almanach. C’est du journalisme quotidien du temps de Pontmartin et de Veuillot, et le lecteur d’aujourd’hui y trouve le contraire d’un bain de Jouvence.

La poésie de combat, héritage du romantisme et maintenue en partie par la longévité de Victor Hugo, allait cependant durer vingt-cinq ans, mais, notons-le, sous une seule forme, la poésie patriotique inspirée par la guerre de 1870.

Elle naît pendant le siège de Paris, moins dans les journaux,