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en les attaquant, en les ruinant. C’est en se fendant pour leur donner le grand coup qu’il s’était enferré. En 1871, cette frontière, maintenant perdue, de 1815, devenait elle-même un idéal, comme celle de 1802 l’avait été pour les patriotes de la Restauration. La blessure saignait, l’idée de revanche était partout, les rigueurs de l’invasion et du démembrement, l’arrogance allemande, le bas de laine vidé pour la rançon, allumaient un foyer de haine pire que sous la Restauration. Colères de classe ensuite la guerre étrangère avait été suivie de la guerre civile la plus sanglante de l’histoire de France, Paris avait été mis en feu par la Commune, en sang par Versailles ; et d’une telle saignée que la force révolutionnaire de la capitale en est restée brisée jusqu’à ce jour. Mais les vraies guerres excitatrices de la pensée et de la poésie de combat sont les guerres religieuses. Or, de 1871 à la séparation, et sauf pendant l’intermède de l’esprit nouveau, la France a vécu politiquement une guerre de la République et de l’Église. Ajoutons que la presse est libre, que les pires violences en vers comme en prose ne risquent que quelques mois de Sainte-Pélagie, c’est-à-dire la gloire. Jamais la race, le milieu, le moment n’ont été vus plus favorables à un large sursaut de la poésie de combat : M. Taine, qu’ils conduisent alors de l’Intelligence à la Révolution n’oserait pas ne point le prévoir.

Le Livre satirique des Quatre Vents a pour sous-titre : le Siècle. Et Victor Hugo y désigne cette courbe, ce zénith probable de la poésie de combat en des traits de feu qui valent bien les traits d’encre des critiques.


La satire à présent, chant où se mêle un cri,
Bouche de fer d’où sort un sanglot attendri,
N’est plus ce qu’elle était jadis dans notre enfance,
Quand on nous conduisait, écoliers sans défense,
À la Sorbonne, endroit revêche et mauvais lieu,
Et que, devant nous tous qui l’écoutions fort peu,
Dévidant sa leçon et filant sa quenouille,
Le petit Andrieux, à face de grenouille,
Mordait Shakespeare, Hamlet, Macbeth, Lear, Othello,
Avec ses fausses dents prises au vieux Boileau
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Elle approche du peuple et, guettant la rumeur,
Penche l’ïambe amer sur l’immense dormeur.
La strophe alors frissonne en son tragique zèle,