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On remarquera que cette œuvre posthume est gouvernée par l’idée architecturale des Quatre Vents de l’Esprit, soit des quatre directions de la poésie, des quatre ailes que le poète le plus totalement poète avait senti se former en lui, et conquérir hors de lui tant d’espace : lyrisme, satire, épopée, drame. L’émotion, l’indignation, la vision, l’évocation scénique, répondent aux quatre attitudes du poète, à quatre versants possibles et puissants du Saint-Gothard poétique. La poésie entière semble couler par ces quatre sources, former le Rhin que domine et que gouverne le burgrave centenaire.

Elle coule, mais aussi tout coule, nous ne nous baignons pas deux fois dans le même fleuve, des sources tarissent et des sources naissent. Quand nous suivons sous la Troisième République la destinée de ces quatre courants, nous connaissons combien ces soixante années, ici comme ailleurs, ont apporté de révolution. La rose des vents traditionnelle s’est défaite. Trois des quatre vents de l’esprit poétique ont peu à peu cessé, ont épuisé leur force, et, au moins pour les deux premiers, sans doute irrémédiablement : le satirique, l’épique, le dramatique. Le quatrième, le lyrique, qui a absorbé à peu près toute la poésie, s’est trouvé transformé au plus profond de sa chair, et jusque dans les règles séculaires de son vers.

Comme 1885 entre les quinze ans de vie dernière et les quinze ans de vie posthume de Hugo, 1902, l’année où Hugo a ses cent ans, marque l’arête médiane dans l’histoire et dans le cours de la Troisième République, depuis sa naissance jusqu’à l’heure où nous écrivons. Année politique de sa dernière victoire politique contre la réaction, 1902 coïncide aussi avec la fin du Parnasse et la victoire du symbolisme. Elle met le point final à cet âge poétique, achevé sous Hugo et par Hugo, qui comportait toujours, depuis le XVIe siècle, et même depuis le xiie, poème satirique, poème épique, poème dramatique. Elle servirait ici de point de projection à des réflexions sur de vieux thèmes : comment les genres finissent.

la poésie de combat

Au mot de poésie satirique, restreint et démodé, il conviendrait peut-être de substituer celui de poésie de combat. La