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sont pas à moi ? Il n’y a que le boyard qui peut faire cela, ne parlez pas comme des enfants, que diable !

Nous comprîmes qu’il ne savait rien de ce qui venait de se passer dans le village, mais juste en ce moment-là, nous fûmes tous surpris de voir de longues colonnes de fumée s’élever au-dessus de la mairie et de la maison du maire, qui étaient voisines.

— Nom de Dieu, vous brûlez la mairie ! — hurla l’administrateur, se prenant la tête entre les mains.

— La terre ! Rendez-nous nos terres ! — lui répondit-on.

— Laissez-moi aller dans une commune proche, télégraphier au boyard et lui demander la permission de vous partager les terres !

— Il a raison ! — cria un paysan. — La terre n’est pas à lui ! Qu’il aille donc dire au boyard de lui permettre le partage !

— Juste ! juste ! — firent les révoltés. — Qu’il aille vite !

Le messager enfourcha immédiatement un cheval et sortit, se frayant un chemin dans la cohue qui bloquait le passage. Le grand portail en bois massif se referma sur lui et sur le nez de la foule. Et aussitôt Costaké se frappa le front :

— Nous sommes des imbéciles ! — s’écria-t-il. — Le bougre nous a trompés : il télégraphiera, oui… à Giurgiu, pour appeler un secours armé !

Les paysans frémirent de colère, en entendant cela. Tous les regards se portèrent sur le cavalier qui galopait au loin.

— D’ailleurs, — ajouta Costaké, — le maire et ses compères le précèdent. Ce soir, les soldats seront là.

— Prenons alors ce qui se trouve à notre portée, — cria quelqu’un, — du malaï, du blé, de la farine, du fourrage !

— Oui, prenons au moins cela ! — crièrent les cojans.

Ce fut le signal de l’assaut du konak.

On n’y alla pas par quatre chemins. Il y avait dans la foule quelques femmes porteuses de bouteilles de pétrole. On aspergea le portail. Les flammes l’enveloppèrent. Dans l’attente silen-