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foires, comme moi. Et vous connaîtrez le pays et ses tourments.

J’allai, avec Costaké, sa femme et Yonel, dans le département de Vlachka.

La commune s’appelait : Trois-Hameaux. Nous y arrivâmes par un après-midi sombre, glacial, pluvieux, écrasés de fatigue et trempés jusqu’aux os, malgré le sac dont chacun se protégeait la tête et le dos. Il faisait presque nuit. Toutefois, je compris tout de suite pourquoi ce lieu s’appelait Trois-Hameaux : c’étaient, en effet, trois agglomérations villageoises séparées par deux ruisseaux qui se joignaient juste devant la mairie. Commune pauvre. Les maisons, couvertes de jonc pourri, s’enterraient dans le sol. De méchantes clôtures, tressées de ronces, les entouraient, sans les mettre à l’abri d’une incursion.

Nous ne fûmes pas accueillis, comme de coutume, par la meute des chiens furieux. On entendait leurs aboiements enroués sortir de dessous les meules de foin aplaties par les pluies.

Nous arrivâmes à la maison de Costaké, qui était celle de son beau-père, Toma le charron, fameux artisan. Elle était sise au bord d’un des deux ruisseaux, — longue rangée de chambres réunie aux ateliers de forge et de carrosserie. Notre arrivée fut saluée par un tapage assourdissant : la vaste cour boueuse, plongée dans l’obscurité, retentit de vociférations d’hommes et de femmes, de criailleries de gamins et de hurlements de chiens fous de joie. Les adultes s’embrassaient. Les gamins fouillaient dans la voiture. Les chiens nous sautaient dessus et nous salissaient affreusement. Et aussitôt l’attention de la famille se porta sur nous, les deux étrangers. Qui étions-nous ?

— Qui êtes-vous ? — nous demandèrent les quatre apprentis carrossiers.

Brèche-Dent leur répondit :

— Je suis Yonel, le frère de Costaké ; et lui, c’est mon frère, c’est Mataké.