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une campagne de trente-cinq ans

davantage avec l’Esprit, il se fait de plus en plus le camarade de cette « fêtardise » vulgaire qui sévit certes un peu partout, qu’on dirait pourtant devoir faire chez nous plus de ravages qu’ailleurs.

Mens fervida in corpore lacertoso, un esprit ardent dans un corps musclé… la devise que je me suis efforcé de substituer à l’incolore Mens sana était faite pour les Français avant tous les autres. Le sport, en France, sera intellectuel ou il ne sera pas. Il se fera le compagnon fidèle et discret de la réflexion, de l’idéal, de l’imagination — il sera le rempart silencieux et bien surveillé, derrière lequel l’individu réalisera son ascension cérébrale… il remplira cet office respectable, ou bien alors il versera dans une banalité triviale dont ce que nous savons des Jeux du Cirque, aux soirs de Rome et de Byzance, peut nous donner quelque instructif aperçu.

On trouvera sans doute que j’apporte un esprit singulièrement revêche à apprécier l’état des choses autour de moi, mais je n’ai pas conscience de dépasser la mesure de ce qu’un vieil ouvrier est autorisé à dire le jour où il célèbre sa trente-cinquième année de présence à l’atelier. C’est là un chiffre qui, par l’expérience qu’il implique, donne droit à formuler quelques avertissements. Encore doit-on les accompagner de la mention des remèdes qui s’indiquent, avec la façon de s’en servir.

Le grand remède — l’essentiel, sinon l’unique — doit germer dans la conscience d’un chacun. Il faudrait qu’on éprouvât enfin une juste honte de se fabriquer, comme l’on fait, une silhouette sportive avec les muscles d’autrui, car, observons et notons — c’est là ce dont les trois quarts des gens ont pris l’habitude. À force de parler sport et de se tenir « au courant » des moindres détails qui s’y rattachent, ils donnent aux voisins — et finissent par se donner à eux-mêmes — l’impression qu’ils ont le sport dans le sang et ne peuvent s’en passer. Ils dissertent, ils surveillent, ils apprécient ; ils intimident aussi et découragent. Autour d’eux se confectionnent des méthodes compliquées, des systèmes pédants, qui ne valent en théorie ni plus ni moins que beaucoup d’autres, mais dont la pratique rend le sport prétentieux, exigeant, exclusif. Au lieu de servir alors de charpente à la