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de Rabat ou de Mélilla, Moulay-Youssef est le chef religieux, seul maître incontesté et incontestable ; aussi bien est-ce auprès de sa personne que sont accrédités les ministres qui séjournent à Tanger et qui entretiennent avec lui et son gouvernement des relations diplomatiques par l’intermédiaire du Naib (représentant du Sultan à Tanger).

Comment se pose donc aujourd’hui la question du statut définitif de Tanger ? Il y a deux manières de répondre, car nous nous trouvons en présence d’une solution d’ordre diplomatique et d’une solution inspirée par une opinion publique espagnole farouchement nationaliste.

Beaucoup d’Espagnols en effet — et non les moindres — veulent purement et simplement « désinternationaliser » si l’on ose dire ! Tanger, et cela au profit de l’Espagne. Depuis l’A. B. C., organe du parti mauriste — jusqu’à M. Lerroux, l’ancien leader républicain, une vigoureuse campagne est menée qui se résume dans les paroles que le député espagnol prononçait le 29 novembre dernier à la Chambre. « L’Espagne doit négocier pour que la zone de Tanger soit placée sous notre pouvoir… L’heure est venue maintenant de dire que Tanger ne peut être qu’espagnol ou si nous ne pouvons le faire espagnol il faut abandonner le Maroc ! » Les chefs de la droite s’associèrent, en donnant le signal des applaudissements, à ces affirmations d’un membre de la gauche.

Cette campagne ne se cantonne pas entre les murs du Parlement ou dans les colonnes de la Presse. M. Merry del Val, ambassadeur d’Espagne en Angleterre, dans une conférence qu’il a lue à la Société Royale de Géographie de Londres, a fait nettement allusion à « Tanger espagnol ». D’autre part la Société Royale de Géographie de Madrid a attribué récemment son grand prix à un ouvrage de M. Abelardo Marino Alvarez consacré au Maroc, dont la conclusion proclame que le « Maroc sans Tanger ne nous convient pas ». Et dans une poétique vision impérialiste, le lauréat de l’Académie à Madrid va même jusqu’à écrire :