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— Je suis réellement touchée de sa bonté pour moi, — répondit Louise, — et je tâcherai de lui montrer ma gratitude. D’ailleurs, à mon âge, j’ai été en butte à tant d’épreuves que je ne souhaite plus maintenant que la paix. Et peut-être l’ai-je rencontrée.

— Ah ! ma pauvre enfant, — s’écria Daltroff, — quelle illusion est la vôtre ! Vous êtes à la merci des autres et de vous-même : vous parlez de paix, et vous êtes à l’image de celles pour qui, aux temps héroïques, les guerriers s’exterminaient… Enfin, quoi qu’il arrive, comptez que je suis votre ami… D’après ce que m’a dit mon cousin, nous nous reverrons à Paris, au printemps, et peut-être, vers février, à Nice, à Monte-Carlo.

Au bout de quelques jours, le charmant prince s’en alla.

— Je le regrette, — dit Kowieski, — autant pour vous que pour moi. Il est un compagnon exquis. Mais on ne le garde jamais longtemps. Il appartient tout entier à une femme, la comtesse de Sauvignac, plus âgée que lui de dix ans. Cette liaison est déjà ancienne, il lui a sacrifié les plus beaux mariages…

Des semaines se succédèrent, août glissa en septembre, le ciel pâlit encore, et la pourpre et l’or de l’automne s’étendirent sur les forêts comme des flammes qui bientôt allaient les flétrir toutes. Ce fut alors qu’une activité subite régna dans le château, d’ordinaire si calme. Sur l’aile gauche close, jusqu’alors, on vit s’ouvrir toutes grandes les fenêtres et s’envoler la poussière qui semblait celle de tant d’heures endormies là.

Les écuries, les selleries aussi s’agitaient, se préparaient à quelque événement.

— Il va nous venir toute une bande de chasseurs, — dit le comte à Louise, — tandis qu’ils dînaient tous deux dans la salle de marbre. Je me dispenserais bien de les accueillir, surtout présentement, mais c’est un vieil usage de famille, et difficile à supprimer… Nous aurons plusieurs officiers supérieurs de Komenetz, et des propriétaires de la province. Parfois il me vient de loin des visiteurs… Quant à moi je ne trouve aucun plaisir à la chasse, je l’estime un divertissement cruel… La maison va être remplie de bruit et de monde, et ce sera fini de vous voir à mon gré.