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pas se montrer avant que le comte eût reparu, elle restait à l’écart, lorsque, aux aboiements furieux poussés par Fairy, elle entre-bâilla sa porte. Sur le palier, à l’endroit où aboutissait l’escalier, un homme jeune, mince, élégant, subissait en souriant les assauts de la petite chienne, qui, hors d’elle, les soies hérissées, les yeux fous, jetait du fond de son menu gosier, contre cet étranger, des sons éperdus et stridents. Et rien n’était comique et plaisant comme cet être minuscule s’efforçant de répandre la terreur, dont il croyait posséder l’appareil redoutable.

Louise, un peu interdite, appela Fairy avec sévérité.

— Je vous remercie, madame, de venir à mon secours, — fit en s’inclinant avec grâce l’étranger ; — mais, comme j’ai chassé le tigre aux Indes, j’avais conservé tout mon sang-froid.

C’est ainsi que Louise et le prince Daltroff firent connaissance.

À l’heure du dîner, le comte allant mieux, ils se retrouvèrent dans la salle à manger. Et la jeune fille, qui avait tant craint cette rencontre, fut rassurée tout de suite par l’aisance noble et charmante du jeune diplomate. Il causait avec agrément et vivacité, et, quand il s’adressait à Louise, c’était avec une courtoisie empressée qui semblait un discret et délicat hommage.

Fils de l’ambassadeur et Français par sa mère, ayant séjourné longtemps en Italie et ensuite à Paris, le prince Daltroff était à peine Russe. Tout au plus gardait-il en parlant ce chantonnement léger qui donne au français un air d’être en fête. Grand amateur d’art, familier de tous les musées, il avait tout vu, tout lu, et sa nonchalance était comme une coquetterie.

— Voici une jeune dame avec laquelle vous vous entendrez, — dit le comte Kowieski à son cousin, — car elle passe une partie de sa vie dans la bibliothèque… Cette bibliothèque, depuis des années, on n’en avait ouvert aucune armoire et les livres qui sommeillaient sous la poussière ont dû être bien surpris d’être ainsi dérangés.

Daltroff regarda Louise avec intérêt, lui demandant quel choix guidait ses lectures.

— En ce moment, — dit-elle, — je tache d’apprendre, et je sais trop peu pour m’être créé un goût ou une préférence.