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avec elle… Alors, demeurée seule, Louise poussa une plainte et se réveilla. Par les lames des persiennes, le soleil répandait dans la chambre ses rayons comme des brassées de fleurs d’or.

Au cours de la matinée, William Smith la pria de le recevoir.

— Je viens — dit-il — prendre les mesures de votre cou et de vos bras : le comte m’envoie à Vienne acheter un collier de perles et d’autres bijoux. Si je ne puis me procurer ce qu’il faut, on écrira à Paris. Il veut que le collier soit aussi beau que celui de la comtesse.


XXXII


La bibliothèque était un des endroits les plus agréables du château de Ma Folie. De forme ovale, elle s’éclairait au moyen d’un plafond vitré ; sur les hautes armoires peintes en gris et fermées de grillages dorés, qui l’entouraient toute, étaient posés les bustes en bronze des philosophes grecs. Majestueuse et sereine, cette pièce semblait faite pour les méditations qu’au xviiie siècle des esprits sceptiques, élégants et préoccupés de problèmes scientifiques ou sociaux, poursuivaient parmi des décors et des emblèmes galants.

Louise d’abord avait traversé cette bibliothèque, et maintenant elle n’en sortait quasi plus qu’au moment des repas et des promenades.

Dépourvue d’instruction, nourrie, au hasard, de quelques lectures faciles, elle avait puisé dans l’intimité de deux hommes d’inégale mais réelle valeur des notions qui avaient fleuri çà et là dans son esprit. Tant qu’elle était demeurée auprès de son ami Toussard et de Jacques Lenoël, elle pensait être à la source de toute science, et apprendre en vivant. Maintenant, livrée à elle-même, réduite à une destinée fastueuse et sans joie, elle voulut demander aux livres l’oubli et la distraction. Peu à peu elle découvrait le passé si profond et encombré qu’elle se trouva comme perdue parmi les lointaines avenues où se déroulaient les histoires des peuples.

Bientôt, s’efforçant de procéder avec ordre et méthode, et s’aidant des catalogues, elle tenta de se renseigner sur l’an-