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arriva… Émue et tremblante, Louise pourtant n’hésitait plus. Une nouvelle circonstance vint fortifier encore sa résolution. Par le premier courrier, elle eut une lettre de Robert, datée de la veille. Retenu dans son pays par une indisposition grave de sa mère, il ne faisait que d’arriver à Paris et apprenait tout. Et il n’avait plus désormais qu’un désir : relever l’offense mortelle faite à Louise, châtier le misérable. Il serait chez elle vers le soir ; il la conjurait de lui permettre de la venger.

Ce duel, la jeune fille sentit qu’elle devait l’empêcher à tout prix : traître et spadassin, l’indigne Silveira devait connaître des bottes qui abattent l’adversaire sûrement. Dans une vision qui la fit frémir, Robert lui apparut blessé, saignant, mourant. Et elle se figura aussi la vieille mère, là-bas, la paysanne provençale recevant la nouvelle qu’à Paris on lui avait tué son fils. Sans perdre un instant, Louise écrivit à Robert :

Mon ami, votre lettre me touche infiniment, mais je vous défends de vous battre. Je pars, je m’en vais pour longtemps. Conservez-moi un souvenir affectueux, et soyez sûr que le votre me restera toujours cher.

À dix heures, Smith sonna. Quoiqu’elle l’attendit, Louise, en le voyant, fut effrayée : il lui sembla que c’était le destin qui entrait chez elle.

Il la salua, puis il dit :

— C’est bien. Je vois, c’est décidé. Je pars ce soir. Vous aussi.

— Ce soir ! — fit-elle, consternée.

— Oh ! ne soyez pas en peine, je me charge de tout. N’emportez pas de bagages, ce sera plus commode pour vous. Je préparerai ce qu’il faudra. Je vais envoyer un tailleur, une lingère, une couturière prendre vos mesures… Mais, écoutez, votre femme de chambre ne vous accompagnera-t-elle pas ?

— Oh ! non, — fît Louise, — je ne veux avec moi personne de Paris.

— Fort bien. Nous en trouverons une à Vienne… C’est entendu, alors. À six heures, à l’Hôtel Bristol…

Quand elle fut seule, elle s’abandonna à son chagrin, sanglota, blottie dans les coussins du divan ; et Fairy, la petite chienne, à côté d’elle, se mit à gémir aussi.

Louise l’embrassant, lui dit :