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m’effrayai pour lui mais voyant Libianus sourire, Julien interrompit Paul de Larisse et lui dit avec impatience, etc.

Nous trouvons en tout une seule virgule pour cette phrase assez longue. En outre le premier mot de la phrase, qui dans le texte vient pourtant après un point, commence par une petite lettre.

Un peu plus bas, même feuillet, Vigny écrit : je n’avais fait, comme il le dit que saisir mon ciseau et mon marteau, etc. — ne mettant qu’une virgule et omettant l’autre. Les exemples de pareilles irrégularités seraient, dans le manuscrit, innombrables.

Devions-nous respecter l’orthographe et la ponctuation de Vigny jusque dans leurs hasards, jusque dans leurs fautes ? Nous avons hésité, pris d’un scrupule, et nous avons estimé que non. Notre premier devoir était de faire entrer le public de plain-pied dans la pensée de Vigny, de ne pas dresser devant son œuvre une barrière qui en défendît l’accès. Or, avec sa ponctuation, certaines phrases un peu longues eussent été presque inintelligibles.

Nous avons eu la bonne fortune de consulter chez M. Tréfeu le manuscrit de Servitude et Grandeur militaires. La ponctuation y est pour ainsi dire inexistante. Et pourtant elle est normale, excellente même, dans le volume. Elle y a été mise par le prote. Nous avons fait de même ici. Mais nous tenons à le dire loyalement.

Enfin nous avons placé avec discrétion au bas des pages des notes historiques et géographiques, quand elles nous paraissaient absolument nécessaires pour l’intelligence du texte.

Nous serions trop heureux de nous être donné quelque peine dans cette tâche d’éditeur un peu insolite pour un poète et d’autant plus malaisée, si nous avions par là contribué, comme nous l’espérons, à accroître encore la renommée du grand Vigny, à peu près méconnu de son vivant, mais dont la figure ne cesse de s’éclairer depuis sa mort, — de ce saint de l’art qui par sa vie douloureuse et recluse est notre Beethoven, et qui de plus en plus nous apparaît, comme à tous ceux qui fréquentent son œuvre et qui pénètrent dans sa pensée, à la fois l’un des plus purs poètes et le plus profond de la langue française.

fernand gregh