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Plus loin, page 106, nous trouvons cette note qui, on le verra par la lecture de Daphné, est essentielle :

daphné. — Julien prend la résolution de se faire tuer en Perse quand il est certain qu’il a été plus avant que les masses stupides et grossières ne pouvaient aller. — Il sent qu’il est un fardeau et s’est trompé en croyant pouvoir élever la multitude à la hauteur de Daphné.

Plus loin encore, page 109, se lit cette formule énigmatique :

daphné. — Diviniser la conscience.

Et enfin, page 110, nous trouvons ce fragment intéressant :

daphné. — Julien pousse l’idée chrétienne jusqu’au dépérissement de l’espèce et à l’anéantissement de la vitalité dans l’Empire et dans les individus.

Arrivé à ce point, il s’arrête épouvanté et entreprend de rendre sa vigueur à l’homme romain et à l’Empire.

Voilà comme il faut l’envisager.

Vigny, le lecteur s’en apercevra, n’a pas développé également les idées notées dans le Journal, mais la fréquence de ces notes montre l’importance qu’il attachait à l’œuvre projetée. Il n’est guère de livre, même publié par lui de son vivant, dont le nom revienne plus souvent dans ses cahiers intimes.

Les cinq notes qu’on vient de lire contiennent tout ce que le public jusqu’à présent connaissait de Daphné.

Bien des admirateurs de Vigny se sont demandé ce que pouvait être cette Daphné mystérieuse, dont le nom mythique et fleuri répété dans le Journal illumine çà et là ces pages austères d’un charmant sourire grec. Bien des commentateurs en particulier ont essayé de rattacher ce projet de Vigny à quelque pensée de lui déjà connue. L’un d’eux, récemment encore, construisait toute une Daphné hypothétique sur les fragments que nous venons de citer. Mais ces efforts étaient condamnés d’avance à rester vains. Une petite annotation du Journal au bas d’une page, loin d’aider les fervents de Vigny dans cette hasardeuse tentative de divination, les dirigeait sur une fausse piste. À quelques lignes du manuscrit qui peuvent en effet créer une équivoque, l’éditeur du Journal avait cru comprendre