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Cependant ce point de vue avait été presque complètement délaissé et comme ignoré par les prédécesseurs de Poincaré. Quelques remarquables exceptions sont à citer : la démonstration du théorème de Lagrange sur la stabilité de l’équilibre par Dirichlet ; les travaux de Sturm ; ceux de Liouville. Mais même ceux d’entre eux qui avaient frappé les géomètres, — ce n’est pas le cas pour tous, nous le verrons plus loin — étaient restés isolés ; l’exemple significatif qu’ils donnaient n’avait pas été suivi.

La faute en est, en partie, au grand développement de la théorie des fonctions analytiques, aux services mêmes qu’elle avait rendus, et qui détournaient complètement les esprits du domaine réel ; en partie aux hautes difficultés des questions ainsi posées, les premières pour lesquelles cette théorie des fonctions analytiques n’apportait aucune solution.

Comment ces difficultés — ou plutôt certaines d’entre elles, car il reste beaucoup à explorer dans cet immense domaine qui n’était hier encore que mystère pour nous — furent-elles surmontées par Poincaré ?

Ici se retrouve une circonstance qui était déjà apparue dans d’autres chapitres de l’histoire des mathématiques.

C’est ainsi que, dans la résolution algébrique des équations, il y eut une première période où l’on porta son attention sur la recherche d’une racine déterminée de l’équation proposée. Mais cette théorie ne passa d’un état en quelque sorte empirique à l’état de perfection logique où l’amenèrent Lagrange, Rufini, Abel, Cauchy, Galois que lorsque l’on se décida, au contraire, à envisager simultanément toutes les racines cherchées. C’est en examinant les relations qui existent entre elles que furent conquis les principes modernes par lesquelles, dans cette question, tout s’éclaire, s’explique et se prévoit.

Dans les premières recherches sur les équations différentielles et exception faite précisément pour certains des travaux que nous citions il y a un instant, on avait généralement étudié une à une les intégrales d’une équation différentielle : en examinant chacune d’elles, on avait fait abstraction de toutes les autres.

Les mémoires sur les courbes définies par les équations différentielles vinrent montrer que ce point de vue était insuffisant et que les solutions d’un système d’équalions différentielles, comme les