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tantes parmi celles que nous avons rencontrées chez Platon se retrouvent, et parfois à la lettre^ chez Aristote. On reconnaîtrait ainsi que ce n'est pas avec justice qu'on les oppose, comme le savant au métaphysicien et au poète. Mais il suffira de rappeler une vérité souvent méconnue : la conception aristotélicienne de la société politique, lait naturel, est déjà chez Platon, et même il a conçu d'une façon plus précise les rapports, dans l'œuvre sociale, de l'action humaine avec la nature. Dans un curieux passage du 4 livre des Lois (709 h-d\ cf. 10, 889 de), où la pensée se présente avec une force et un relief singuliers, Platon se demande si les facteurs essentiels de la constitution et de l'évolution des sociétés ne sont pas la fortune et l'occasion, les circonstances acci- dentelles de toute sorte, guerres, révolutions populaires, épidémies, et, pour une autre part, l'action inspiratrice de Dieu. Quant à l'art, il est raisonnable de lui faire sa place; mais, dit-il plus loin dans le même ouvrage, il ne faut pas imiter ceux qui, se refusant à recon- naître dans la nature aucune finalité et la livrant tout entière au règne du hasard, veulent en revanche que l'art soit le tout de la politique. — Ainsi l'art social, auquel on voudrait réduire la politique platonicienne tout entière, n'en est véritablement qu'une partie : pour plus encore la nature, tantôt régie par l'action divine, tantôt abandonnée à tous les hasards de son mouvement spontané, fonde la société. Platon a donc précédé Aristote dans l'affirmation d'une théorie naturaliste de la société, par opposition aux doctrines artifi- cialistes des Sophistes et des Cyniques, aux yeux desquels la vie sociale représente un état conventionnel par rapport à l'état de nature. Mais il semble qu'il ait su, mieux qu'Aristote, déterminer les limites de cette conception. On voit plus clairement chez lui comment se distinguent et comment s'ordonnent réciproquement l'élément matériel de la société, c'est-à-dire ses conditions physi- ques, biologiques, économiques, et l'élément formel, c'est-à-dire la raison qui doit les dominer pour s'en servir en vue de la vertu. Sans doute, s'il est vrai que pour Aristote la cité est quelque chose de naturel au même titre que les formes primitives de l'association, il n'en reste pas moins qu'il clôt, comme Platon, au seuil de la cité, le règne absolu des tendances instinctives : ce qui caractérise en effet la cité dans son essence comme association politique, c'est un ordre réfléchi qui ne se fonde pas sur l'instinct, qui se traduit par une législation, ou, en d'autres termes, par une détermination des