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traditions que les vieux poètes nous ont transmises : « Prenons, dit-il, Homère à témoin; c’est lui qui nous révèle ce qu’ont pu être de telles sociétés. » Il se représente donc ces anciens hommes à l'image des Cyclopes de l'Odyssée, habitant des cavernes profondes au sommet des montagnes et formant des groupes isolés les uns des autres; car ce sont de petits groupes qui ont réussi isolément à échapper aux cataclysmes. L’autorité d’un chef (Suvaaxc-’a), voilà la forme politique correspondante; et ce chef, c’est l’ancien, père ou mère; sa souveraineté s’exerce sur ses enfants et sur ses femmes. En d’autres termes, le groupement est alors fondé sur la consanguinité (/.a-à vc’voç), et sa manifestation extérieure, c’est l’habitation commune, un enclos fermé par une haie d’épines. Mais, la densité de ces groupements isolés venant à s’accroître, ils en arrivent, sans qu’on voie, il est vrai, très clairement pourquoi, à se rapprocher et à s’agréger. Or, dans ce groupement nouveau où chaque groupement primitif particulier apporte ses coutumes religieuses et sociales particulières, il devient nécessaire d’établir des lois; c’est-à-dire que, pour assurer l'harmonie dans les rapports de ces groupes hétérogènes, il faut déterminer les concessions réciproques desquelles on pourra faire sortir un système de règles le meilleur possible. Une société politique complexe, une cité, s’est substituée à la petite société patriarcale originaire fondée sur la consanguinité. Ce qui vient d’être dit suffît, semble-t-il, et il n’est pas utile de suivre Platon dans son analyse des nouveaux étages de l’organisation politique.

On le voit, ce n’est pas par des raisons logiques, ni même purement morales, que Platon, comme pourraient nous le faire supposer son intellectualisme et ses préoccupations normatives, explique la formation des sociétés. Jusqu’au moment où l’établissement de lois introduit dans cette genèse la convention et le contrat positif, Platon n’y voit qu’une réaction spontanée de la nature humaine à l’égard des conditions qualitatives du milieu physique et des variations quantitatives de l’agrégat social. Mais, pour être spontanée, cette réaction n’en est pas moins une réaction très complexe, en rapport avec les aptitudes de la nature humaine à l’accommodation réfléchie, à l’invention incessante de nouveaux modes d’action et d’instruments appropriés, avec en outre un penchant naturel à la vie sociale, qui, sans être nulle part expressément affirmé, n’en est pas moins constamment supposé. En dehors de ce facteur proprement social qu’est l’accroissement de la population, Platon fait appel ici à des