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LA COLLABORATION DES PEUPLES

Il est très rare qu’un homme qui a eu le privilège d’assister aux premières manifestations d’une grande réforme ou d’un mouvement national ait la chance de vivre assez pour en considérer aussi l’achèvement, ou même pour en pouvoir constater un progrès appréciable. Et il ne se rencontre pas de cas qui soit plus probant à cet égard que celui de la Société des nations. L’illusion dans laquelle le public s’est longtemps fortifié, et qui voulait que le projet d’une ligue des peuples fût un projet tout récent, est maintenant dissipée. Toutefois, quoiqu’il y ait plusieurs années que l’on ait conçu l’idée de la ligue, elle reste quelque chose de tout à fait nouveau aux yeux du monde, qui n’a commencé de s’y intéresser que pendant les derniers mois de la guerre européenne et les discussions desquelles sortit le Pacte de la ligue, lors de la Conférence de la paix, à Paris. Mais nous, qui avons pu nous affliger plus âprement que jamais nos aïeux n’en eurent sujet sur la férocité des batailles modernes et sur l’affreux gaspillage qu’elles provoquent, nous avons eu pourtant le bonheur de voir la Société des nations naître à la réalité, dès après le commencement de la lutte qui a marqué ses débuts dans le monde. Assurément, il se trouve des gens pour dire que ceux-là même qui ont montré naguère le plus d’enthousiasme font aujourd’hui paraître une tiédeur singulière ; d’autres raillent le propos qu’a formé la Ligue de maintenir la paix sur la terre, et de l’y assurer, tandis qu’il n’est bruit chaque jour dans la presse que de guerres déchaînées ou probables. Il en est d’autres qui n’ont pas fini de se récrier