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et malicieux, qui tombait volontiers de ses lèvres, mais qui semble s’être noyé d’ordinaire dans son encrier.

On s’est avisé récemment de remettre à la scène cette petite œuvre qui tomba jadis aux Français sous les sifflets de spectateurs trop prompts à prendre le parti de la religion prétendue outragée. On s’étonna de sa fraîcheur, de ses mille vertus ; ingéniosité de l’intrigue, vérité d’accent des personnages et leurs oppositions. Depuis la maladresse du secrétaire Martinez jusqu’à l’amoureuse crédulité du Vice-roi, de la colère contenue du licencié et de l’onctueuse bienveillance de Monseigneur jusqu’à la rouerie tour à tour insinuante, dégagée, humble ou arrogante de la Perichole, tout y est séduction, charme et verve. Que n’a-t-il plus souvent écrit de cette encre-là ? Il y coule tout le meilleur de sa jeunesse, de ce temps où il lui semblait encore qu’il vaut mieux sourire que de se lamenter de la malignité des femmes.

En s’éloignant de sa jeunesse, l’esprit de Mérimée ne distingua presque que les plus sombres aspects de la rouerie féminine, et il emploiera précisément le meilleur de son talent à peindre, avec noirceur, les femmes, alors qu’il en souhaite autour de lui la compagnie la plus nombreuse.

Elles ne lui en gardaient pas rancune. Il en eut beaucoup pour amies, il les aimait à sa manière, avec intérêt, sans amour, comme des enfants redoutables ; il se plaisait aux petits soins, et se montrait plein d’attentions, mais il se tenait sur ses gardes. A vraiment dire, il les craignait, il a toujours conservé quelque chose du sage fils unique qui n’oserait pas découcher de peur de perdre toute retenue, qui rentre pourtant assez tard pour s’offrir un peu de débauche, mais toujours assez tôt aussi pour pouvoir embrasser sa mère. Il tient bien à passer quelque peu pour mauvais sujet, cela séduit assez les femmes, mais il n’a pas le goût de l’être, ni la santé, ni le courage.

La peur d’être dupe le tient et la crainte bourgeoise des entraînements. Il va chez les femmes en visite, mais il ne