Page:Revue de Bretagne, tome 41, 1909.djvu/55

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tel malheur n’est pas à craindre, et je veux l’explication de cet étrange procédé.

Le pauvre marquis, tremblant pour sa fille chérie, cherchait en vain quelqu’excuse ; mais tout-à-coup la porte s’ouvrit et on vit entrer Isabelle qui avait repris ses vêtements ordinaires.

Elle se jeta aux pieds de la Reine qui la regardait sévèrement sans mot dire, et lui conta simplement les motifs de sa conduite. Comment les regrets de son père de n’avoir pas un fils pour le défendre lui avaient donné l’idée de ce déguisement, et comment le hasard lui avait permis de sortir victorieuse de toutes les épreuves.

— Maintenant, ajouta-t-elle, le chevalier Robert n’existe plus et Votre Majesté daignera, je l’espère, pardonner à la pauvre Isabelle qui, du fond du couvent où doit s’achever sa vie, ne cessera de la bénir.

— C’est fort bien, dit la Reine touchée au fond du cœur, mais gardant néanmoins son air sévère ; je vois, mademoiselle, que vous avez songé à tout… sauf à mon fils dont vous n’ignorez pas l’affection pour ce chevalier Robert que vous faites si aisément disparaître.

— Ah ! madame, s’écria naïvement la jeune fille. Dieu m’est témoin pourtant que je donnerais ma vie pour lui épargner une peine.

— Voilà une parole que je vous rappellerai peut-être quelque jour, fit Sa Majesté en souriant, et elle congédia les trois sœurs qui s’éloignèrent ensemble. Arthémise et Oriane ne perdirent pas cette occasion d’accabler Isabelle de compliments ironiques sur ses succès à la cour et sur le lendemain qui leur était réservé.

Pendant ce temps, le fils du Roi arrivait à son tour. Ce fut sa mère qui le reçut et lui dit, en riant de sa surprise :

— Je vais vous apprendre un proverbe nouveau : « rien ne sert de courir, il faut savoir où l’on va ». C’est une précaution que vous avez négligée et cela m’a permis de vous devancer. Puis, reprenant son air sérieux.

— Vous avez fait, mon fils, un voyage inutile. J’ai vu votre ancien ami, le chevalier Robert. Je dis bien votre ancien ami, appuya-t-elle, car vous ne le reverrez plus. Entraîné par une vocation subite autant qu’irrésistible, il a renoncé au monde pour s’enfermer dans un monastère dont le nom m’est inconnu. Vous