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Isabelle hasarda quelques timides objections. Le Roi l’arrêta d’un geste.

— Telle est la volonté de la Reine, dit-il, et il congédia la jeune fille interdite qui se demandait avec inquiétude comment finirait cette aventure.

Plusieurs jours s’écoulèrent. Le prince Henry ne quittait plus son cher chevalier pour lequel il faisait mille projets. Il le voyait déjà pour le moins capitaine de la garde royale et officiellement attaché à sa personne.

Cependant la pauvre Isabelle avait codifié son embarras au fidèle Bertrand qui la tranquillisa de son mieux et lui conseilla de se préparer à partir au premier signal. Une occasion peut se présenter, dit-il, soyons prêts à la saisir.

La Reine se montrait toujours aussi gracieuse avec l’ami de son fils. Elle se plaisait à le faire parler de son père, de son enfance, de sa vie passée ; mais ces conversations qui augmentaient encore son estime pour lui ne dissipaient point le doute qui l’obsédait.

Un beau jour elle le fit appeler : — Je sais que vous êtes un excellent nageur et qu’on peut compter sur vous en toute circonstance ; aussi vais-je vous charger d’une mission de confiance. Le prince a le projet de se baigner dans la rivière qui coule au pied du coteau. Elle est profonde en cet endroit ; aussi lui ai-je fait promettre de ne pas vous quitter, car il est fort imprudent et parfois sujet aux crampes. Il est donc nécessaire qu’une personne capable de le secourir en cas de besoin se tienne près de lui.

À ces paroles inattendues Isabelle pensa défaillir. Elle se remit pourtant et répondit à la Reine que sa réputation de nageur était très surfaite ; mais elle fut congédiée avec ces paroles ambiguës :

— Allez, chevalier, nous vous connaissons mieux que vous ne le pensez, et sachez qu’il nous appartient de juger comment nos sujets doivent nous servir.

Plus morte que vive la malheureuse s’éloigna sans mot dire. Cette fois, pensait-elle, la Reine a deviné la vérité. Je n’ai plus qu’à implorer sa clémence, car rien ne saurait me sauver.

— Ne désespérez point, dit une voix bien connue, et Isabelle aperçut Bertrand qui, rôdant sous les fenêtres du palais, selon sa coutume, avait tout entendu.

— Il vous faut, dit-il, obéir à la Reine et vous rendre au bord de la rivière. Je serai caché tout auprès, et quand le prince aura