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— Vraiment, dit le prince interdit, vous me semblez, Madame, en proie à un étrange parti pris. Je vous répète que Robert n’a paru nullement troublé par ma proposition et vous reconnaîtrez qu’il ne pouvait compter sur ce sommeil venu si mal à propos.

— Qui sait, dit la Reine !… Mais, ajouta-t-elle, il est impossible de répéter cette épreuve et il faudra trouver autre chose. En attendant j’observerai moi-même.

Le lendemain, Isabelle déjà reposée se rendit de bonne heure à la cour où le prince l’attendait avec une joyeuse impatience. Il la conduisit auprès du Roi qui avait enfin achevé l’examen du mémoire du marquis de Chapolorys.

— Vous aviez raison, chevalier, dit-il, votre père a été victime d’une odieuse machination et il convient que, sans plus tarder, nous réparions l’injustice commise à notre insu. Sachez donc que dès aujourd’hui le marquis de Chapolorys est remis en possession de tous ses titres et de tous ses droits. De plus j’entends qu’il revienne au plus vite à la cour pour y recevoir les marques éclatantes de la faveur qui lui est rendue.

Isabelle, ivre de joie, tomba aux genoux du roi en balbutiant des remerciements. Il la releva en souriant.

— Vous devez être doublement heureux, dit-il, car c’est bien à vous que votre père doit sa réhabilitation. Nous avions de fortes raisons d’être prévenu contre lui et, sans les instances de la Reine et celle de mon fils que vous aviez su intéresser à votre cause, nous aurions trouvé fort inutile d’examiner à nouveau les pièces de ce procès.

À ce moment la Reine entra et félicita Isabelle qui lui exprima sa reconnaissance en termes émus.

— Il s’agit maintenant, dit la Reine, de faire parvenir au marquis une nouvelle qu’il doit attendre avec impatience.

— Mais si Votre Majesté le permet, j’irai moi-même la porter. Voilà bien longtemps que j’ai quitté mon père et il me tarde de l’embrasser.

— Ah que non pas ! interrompit la Reine, puisque le Roi mande le marquis de Chapolorys à la cour, il vous faut l’y attendre. Assez longtemps vous avez vécu loin de la société qui convient à votre âge. N’est-il pas vrai, mon fils ? ajouta-t-elle en se tournant vers le prince enchanté d’une solution qui lui permettait de garder un ami de jour en jour plus cher.