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gourdissementt elle se leva et feignit d’achever sa toilette, tout en surveillant le sommeil de son ami que ses allées et venues finirent par réveiller.

— Si vous êtes lent à vous mettre au lit, dit celui-ci, vous êtes prompt à en sortir.

— C’est vrai au moins pour aujourd’hui, je dormais si mal que, de guerre lasse, j’ai pris le parti de me lever ; mais je crois que vous avez eu plus de chance que moi et avez passé une bonne nuit.

— En effet ; j’ai dormi si profondément que je ne vous ai entendu ni vous lever ni même vous coucher.

— Je n’en suis pas surpris, reprit le faux Robert, et j’ai envié votre sommeil, Monseigneur ; puis rompant les chiens, que vous semblerait-il d’une petite promenade dans la forêt ? Le temps est superbe.

Le prince ne demandait pas mieux, et la promenade se prolongea, si bien que le chevalier prenant prétexte de l’heure avancée rentra directement à son logis pour s’y reposer des fatigues physiques et morales de la nuit précédente.

La reine attendait son fils avec impatience.

— Eh bien ! dit-elle dès qu’elle l’aperçut.

— Eh bien, ma mère, tout s’est passé le plus simplement du monde. Robert a d’abord voulu refuser l’honneur que je lui faisais, mais il n’a pas été trop difficile à décider et n’a fait de façons que tout juste.

— Alors, insista la reine, vous l’avez vu procéder à sa toilette ?

— Mais oui… c’est-à-dire tant que j’ai pu rester éveillé, ajouta-t-il un peu embarrassé. Nous avions couru toute la journée et j’avais tellement sommeil que je me suis endormi en posant la tête sur l’oreiller, alors qu’il en était encore à détacher son habit. »

— Et ce matin ?

— Ce matin, l’enragé chasseur était déjà presque habillé et prêt à partir, quand j’ai ouvert les yeux, car il est aussi matinal que lent à s’ajuster. Je l’ai même un peu raillé à ce sujet.

— C’est trop fort, laissez-moi vous dire, mon fils, que vous n’êtes qu’un sot, en trois lettres, d’avoir laissé échapper une telle occasion. Vous avez dormi quand vous auriez dû veiller et vous n’en savez pas plus long qu’avant.