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la main une superbe rose qu’il tournait machinalement entre ses doigts et qui s’effeuilla sans qu’il y prît garde.

Ils rentrèrent ensuite et le prince alla faire part à sa mère du résultat de l’épreuve.

— Je sais, dit-elle un peu songeuse, j’observais de loin votre ami, mais n’avez-vous rien remarqué dans son attitude quand vous lui avez donné cette fleur ?

— Il m’a remercié courtoisement, selon sa coutume, mais rien de plus. Il avait d’autres pensées en tête ; il s’afflige de voir le temps passer sans rien changer à la situation de son père et je lui ai promis d’obtenir du roi que sa supplique soit examinée. Ne joindrez-vous pas vos instances aux miennes ? Aussi bien il me semble que vous lui devez réparation.

— Soit, dit la Reine. Et le Roi, pressé par ses prières et celles de son fils, consentit enfin à prendre connaissance du mémoire déjà presqu’oublié.

Cependant les soupçons de la reine n’étaient point dissipés.

— Notre épreuve est arrivée mal à propos, dit-elle à son fils, votre ami était trop préoccupé de son père quand vous lui avez offert la fleur, il faut essayer autre chose. Que ne l’emmenez-vous chasser dans nos bois de Verviers ? Il s’y trouve un petit pavillon qui ne contient qu’une chambre habitable. Vous prolongerez la chasse de façon à être contraint d’y coucher et vous inviterez le chevalier à partager avec vous cette unique chambre. S’il est ce qu’il prétend il acceptera après quelques façons, mais, si j’ai deviné juste, vous vous en apercevrez vite à son émotion et à ses refus obstinés.

— Il sera fait comme vous le désirez, Madame, dit le prince, et il se mit à la recherche de Robert pour lui annoncer que les pièces du procès de son père étaient enfin aux mains du roi et pour organiser la partie du lendemain.

Mais comment dire l’effroi de la pauvre Isabelle quand Bertrand qui avait surpris les paroles de la reine lui eût appris l’épreuve qui l’attendait ? La première émotion passée, elle se mit à réfléchir au moyen de sortir d’embarras.

— Si seulement le prince pouvait dormir, dit-elle enfin.

— Rien n’est plus facile, répondit Bertrand, je connais près d’ici un certain apothicaire dont le concours m’est acquis d’avance, en appuyant la demande de bons écus sonnants. C’est un habile homme qui a plus d’une fois failli être pendu et il saura mesurer