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et elle en était venue à penser que la société du chevalier serait utile à son fils, un peu trop gâté par les complaisantes flatteries de son entourage.

Isabelle et le duc, son conseiller, pensèrent enfin que le moment était venu de présenter la défense du marquis de Chapolorys. Sa cause avait maintenant un avocat dévoué auprès du roi. Celui-ci, toujours prévenu contre l’ancien favori, répondit simplement qu’il examinerait plus tard cette affaire ; mais il engagea le chevalier à attendre à la cour le résultat de l’enquête.

Le prince Henry fut enchanté de cette combinaison qui le rapprochait de son nouvel ami. Tous les jours, dans les entretiens familiers qu’il avait avec sa mère, il s’étendait longuement sur les talents et les mérites de ce modèle des fils qu’elle, de son côté, étudiait sans en avoir l’air.

Elle avait remarqué chez lui une réserve extrême, rare chez les jeunes gens de cet âge. Cette remarque avait été bientôt confirmée par les confidences du prince. Jamais, disait-il, jamais sous aucun prétexte le fils du marquis de Chapolorys ne s’écartait de cette réserve. Jamais la moindre incorrection dans son langage ni dans sa tenue. Quelques instances qu’on pût faire il ne buvait que de l’eau et, bien qu’il se montrât gai et d’humeur enjouée, jamais un mot hasardé ne s’échappait de ses lèvres.

La Reine d’abord s’amusa de ces allures si différentes de celles en usage à la cour. Peu à peu elle s’en étonna, une foule d’indices qui lui avaient d’abord échappé lui revinrent à l’esprit ; bientôt elle vint à soupçonner la vérité.

Elle ne parla point au roi de ce soupçon, préférant le tenir caché jusqu’au jour où elle serait fixée, mais s’en ouvrit secrètement à son fils qui se récria aussi fort que le respect le lui permettait.

— Vous n’y pensez pas, ma mère ! Une femme, le chevalier Robert ! Le plus infatigable des compagnons, toujours prêt à se livrer aux plus folles chevauchées et qui tire l’épée comme un mousquetaire !

Il est vrai qu’il conserve même alors cette parfaite correction de tenue que vous avez remarquée, et j’ai plus d’une fois insisté pour le faire se mettre à l’aise ; mais son père ne souffrait, paraît-il, aucun laisser-aller et l’a si bien accoutumé à ces manières qu’il ne saurait s’en départir.