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Le vieux seigneur présenta lui-même au roi le fils de son ancien ami. Son attitude modeste et digne produisit la plus favorable impression, sauf peut-être sur les courtisans qui s’étaient partagés les dépouilles de son père ; mais ceux-ci ne s’en montrèrent que plus aimables.

Cependant Isabelle ne se pressait point de remplir la mission dont elle s’était chargée ; elle attendait de s’être assurée des protecteurs puissants avant de tenter la démarche décisive.

Tous les soirs le fidèle Bertrand avait un long entretien avec sa jeune maîtresse et lui rendait un compte exact de ce qu’il avait vu et entendu. Le rusé compère avait retrouvé plus d’une vieille connaissance parmi les serviteurs de ce palais dont il connaissait tous les détours et, pour écouter plus aisément, il se prétendait sourd, ce qui lui permettait à la fois d’éviter les questions indiscrètes et d’apprendre une foule de choses intimes dont on parlait devant lui sans méfiance. Grâce à son stratagème Isabelle connut bientôt tous les ennemis du marquis, ainsi que les rares amis qui lui étaient restés fidèles et pouvaient la seconder.

Elle accompagnait souvent le vieux duc à la cour où elle recevait un très gracieux accueil de la Reine et surtout du prince royal. Celui-ci s’était senti attiré vers le chevalier de Chapolorys qui, murmurait-on déjà, n’était sorti de sa province que pour venir plaider la cause de son père.

L’audace d’une telle démarche chez un si jeune homme lui avait plu et lui avait donné le désir de le connaître. Il s’était intéressé à la conversation de ce simple gentilhomme aussi intelligent qu’instruit, et ne perdait pas une occasion de s’entretenir avec lui.

Le nouveau venu ne cherchait point à dissimuler le plaisir que lui causaient les avances du prince Henry ; mais, sans jamais s’écarter du respect dû à son futur souverain, il gardait dans ses manières une fierté et une indépendance qui charmèrent l’héritier du trône, un peu blasé sur les adulations des courtisans de tout âge.

La Reine, qui veillait sagement sur son fils, remarqua cette sympathie naissante. Le prince ne lui cacha point l’attrait singulier qu’il éprouvait pour ce jeune homme si différent de ceux qu’il avait rencontrés jusque-là. Elle ne s’en montra pas mécontente. Le duc n’avait pas manqué de faire l’éloge de son protégé,