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telle que tu l’imagines, l’intrigue y est puissante et les fidèles amitiés rares. Il ne m’est pas possible d’autoriser une démarche qui serait sans doute inutile pour moi et non sans danger pour toi.

Ce refus ne découragea point Isabelle, elle insista près de son père, le suppliant de lui laisser tenter le sort, et fit tant et si bien que sans dire positivement oui, il ne disait plus absolument non.

Arthémise et Oriane, en apprenant ce projet, se récrièrent hautement et raillèrent à l’envi la présomption et l’audace de leur sœur. Celle-ci, sans s’émouvoir, leur expliqua tout au long son idée et les moyens qu’elle comptait mettre en œuvre. Elles changèrent alors d’avis, mais prétendirent qu’une telle démarche revenait de droit à l’aînée de la famille et non à la plus jeune, et pressèrent tant le marquis que, de guerre lasse, il finit par autoriser Arthémise à se rendre à la cour.

L’orgueilleuse jeune fille, qui voyait surtout dans ce voyage une diversion à la vie monotone dont elle se plaignait, fit préparer un équipage aussi complet que le permettaient leurs modiques ressources et, métamorphosée en un page élégant, partit un beau matin suivie d’un vieux domestique qui avait servi le marquis de Chapolorys au temps de sa faveur et l’avait accompagné dans son exil. Le vieux Bertrand était aussi prudent que fidèle, c’est pourquoi son maître l’avait chargé de veiller sur sa fille.

Ils chevauchaient depuis plusieurs heures et la belle Arthémise, habituée surtout aux longues flâneries devant son miroir, commençait déjà à trouver le chemin long, quand un écart de son cheval faillit la désarçonner. Elle réussit à reprendre son équilibre et aperçut une vieille femme toute déguenillée, dont l’apparition inattendue avait effrayé sa monture.

La mendiante la salua humblement et pria « le beau seigneur » que la Providence avait conduit vers elle de la prendre en pitié et de lui venir en aide. Sa brebis était tombée dans la fontaine d’où elle ne pourrait réussir à la retirer et cette brebis était sa seule ressource.

— Eh ! répondit dédaigneusement la jeune fille, j’ai autre chose à faire que d’aller repêcher un mouton, passez votre chemin, la vieille.

Mais la femme s’était redressée : — Allez, mademoiselle, dit-elle