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reconnaître à côté de cela les fautes de goût qu’entraîne la recherche de la virtuosité sur des instruments où elle ne devrait jamais apparaître dans la musique dramatique (tels les exercices de grande flûte par quoi prélude le regrettable deuxième acte), ou la banalité peut-être voulue qui résulte de certaines associations, comme il arrive dans le ballet du troisième acte, où le cornet à piston, renforcé par la petite flûte à deux octaves d’intervalle, donne une impression de musique de foire du plus stupéfiant effet. Mais ce sont là des exceptions.

En résumé, les Huguenots, ce type de l’Ancien Répertoire, apparaissent, étudiés sans parti-pris, comme une œuvre un peu disparate, où se juxtaposent deux éléments, l’un essentiellement italien, avec tous les défauts inhérents à cette école, avec aussi des qualités qui siéraient à un opéra-comique, l’autre, véritable transcription musicale du drame romantique, avec des qualités originales indéniables, un soit de la facture qui, pour l’époque, a son mérite, et, surtout, un grand souffle d’inspiration tragique qui n’aboutit parfois qu’à des effets de sonorité outrancière, mais qui, le plus souvent atteint à une véritable grandeur. Et une heure viendra peut-être où avec un recul suffisant, cette œuvre qui date, et qui, aujourd’hui n’est que vieille, apparaîtra comme ancienne, ce qui n’est pas du tout la même chose et, après des éliminations nécessaires, restera comme le modèle et le chef-d’œuvre d’une période lyrique qui n’est dénuée ni de mérite, ni d’intérêt.

Edmond Locard.

Chronique Lyonnaise

GRAND-THÉÂTRE

Hamlet

Il y a quelques années, un de nos meilleurs musicographes, M. Georges Servières, se demandant quelles étaient les causes du succès persistant de l’œuvre funèbre d’Ambroise Thomas, écrivait :

« D’abord, ce fait que l’œuvre est bien écrite pour les voix, que les rôles de premier plan sont des plus séduisants à jouer, moins par leur valeur intrinsèque que par leur auréole légendaire. De plus, la conception du libretto et de la musique constitue une adaptation essentiellement bourgeoise d’une œuvre poétique que la plupart ne connaissent que de nom. Enfin cet opéra lugubre contient un tableau d’une jolie couleur printanière, qui encadre un ballet développé et agréable à regarder. Des ronds de jambes pour les abonnés, les vocalises de la chanteuse légère pour la moyenne des spectateurs, l’autorité du nom de l’auteur de Mignon, soutenue par la constante et admirable réclame de l’éditeur, cela suffit pour qu’une œuvre médiocre ait vécu une trentaine d’années. Ou, je me trompe, ou le bail ne sera pas renouvelé pour une aussi longue période ».

Et il fallut bien en effet toutes ces petites causes, et aussi l’excellente interprétation de l’œuvre lors de sa création en 1868 (avec M. Faure et Mlle Nilsson) pour empêcher le four mérité de se produire. Car Hamlet constitue dans l’ensemble une œuvre franchement détestable, que personne ne songe plus à défendre.

Le livret d’abord, arrangement ou plutôt dérangement du drame shakespearien dû à la plume, experte en ces sortes de tripatouillages, de Michel Carré et Jules Barbier, livret bourgeoisement vulgaire selon la formule : le vice puni et la vertu récompensée.

Et la musique ! Je n’ai pas l’intention de passer en revue la partition tout entière, mais comment ne pas noter au premier acte la vulgarité de la marche avec chœurs, la déclamation piteuse du duo : « Doute de la