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reproche à Mme Cosima Wagner dans l’exploitation artistique du théâtre de Bayreuth, et que son empressement en ait diminué : ce qui fait que, toutes dégagées qu’elles soient assurément du parti-pris qui a percé plus d’une fois sous les observations de certains de ses confrères de la Presse parisienne, je serais tenté de juger quelque peu excessives les critiques plutôt acerbes de M. Lalo à cet égard. Il est d’ailleurs assez étrange que ce soit à Paris, dans les colonnes d’un journal réputé pour sa modération et son impartialité, que soient formulées de telles plaintes. Quand M. Pedro Gailhard, qui se flatte sans doute de diriger une des premières scènes lyriques du monde et qui n’a encore trouvé le moyen d’y représenter que la moitié à peine des œuvres de Wagner, aura pris le temps et le soin d’inscrire les autres à son répertoire, il sera peut-être loisible aux journaux de la capitale de se montrer sévères, par comparaison, pour l’interprétation que reçoivent aujourd’hui à Bayreuth les drames lyriques du Maître. Ce qu’il y a de sûr c’est que les jours même où la direction moins experte de M. Siegfried Wagner remplace celle de Mottl ou de Hans Richter, l’orchestre du théâtre bavarois reste encore supérieur à celui de l’Opéra, et que je n’ai pas souvenir d’avoir assisté à Paris à des représentations de Walküre, de Siegfried ou des Maîtres-Chanteurs, comparables, pour la perfection de l’ensemble, à celles qui ont été données à Bayreuth.

(À suivre),

Antoine Sallès.

LES HUGUENOTS

(suite)

Le recitativo secco, tel du moins que nous le voyons figurer dans les Huguenots, peut être considéré comme une série de phrases insuffisamment harmonieuses, mauvaise prose rimée, musicalement transcrite sans rythme et sans mélodie, le tout atteignant à des effets comiques intenses, que l’auteur n’avait probablement ni prévus, ni cherchés. Le premier acte en offre d’illustres exemples : « Léonard, laquelle est-ce ? la marquise d’Entraigues, ou la jeune comtesse ? — Non Monsieur ! — C’est donc Madame de Raincy ? — Non, Monsieur et jamais je ne la vis ici. — Une conquête nouvelle ! Vrai Dieu, c’est différent, et je cours auprès d’elle, au moins par curiosité. » Le dernier membre de phrase dépasse Bu qui s’avance de cent coudées. Et n’admirez-vous point : « Ses jours sont menacés ; ah ! je dois l’y soustraire, non pas pour lui, mon Dieu, mais pour l’honneur d’un père ! » Ernst, lui-même, aurait répudié ce zoulou. De telles phrases mériteraient qu’on leur infligeât la musique de notre grand Ambroise Thomas. Vous me répondez que telle œuvre récemment applaudie n’a rien à envier sous le rapport du récitatif aux incises précitées, et que Mascagni par exemple en offre une harmonieuse série[1]. Vous avez raison.

On entend par italianisme en musique : l’application exclusive du rythme ternaire à tous les genres de mélodie et à toutes les situations, depuis la déclaration d’amour jusqu’à la marche funèbre, jointe à une pauvreté contrapuntique voisine de la misère, à une horreur irréfragable de toute harmonie qui ne serait pas l’accord parfait ou l’un de ses renversements, et à une tendance constante à un emploi peu grégorien de la vocalise.

Cette prédominance de la mesure à trois temps, ce parti pris de tout sacrifier au simple dessin mélodique, cette banalité voulue de l’accompagnement, trouvent leur indication formelle dans un genre

  1. Cf. in Cavalleria Rusticana l’alexandrin : « Il a dû rester chez le maréchal ferrant » et l’histoire des provisions de vin qu’on a été faire à la ville.