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école de chanteurs, dans le sens strict du mot, ce fut une école de musique, où se poursuit par l’édition, l’étude et le concert, le triomphe de l’idée directrice de l’œuvre : la propagande de la musique vraiment belle.

Il n’est pas dans mon programme de détailler ici le mécanisme intérieur et la vie intime de la Schola, depuis sa fondation (1896) jusqu’à nos jours. J’ai voulu m’arrêter quelque peu à son histoire, parce que sa fondation est — en dernière analyse — la principale œuvre de Bordes qui tira le plus grand profit de la fréquentation des maîtres de l’École polyphonique religieuse, en écrivant lui-même, ainsi que nous le verrons prochainement, de nombreuses et intéressantes pages, destinées à l’église.

La Schola présente un autre et considérable avantage, que je n’aurais garde de passer sous silence tant l’intérêt en est actuel : elle est certainement l’institution la plus efficace, destinée à accomplie la décentralisation et l’éducation musicale de notre pays. Pour parvenir à cette double fin, les chanteurs se montrèrent infatigables, et, sous la conduite du vaillant Bordes, entreprirent (1894) ces voyages de propagande artistique, qui les rendirent bientôt populaires, eux et la vieille musique, qu’ils répandent avec générosité.

La Schola est en somme un cénacle de bonne musique, et c’est pour agrandir encore ce cénacle qu’elle cherche à faire naître, en province des Sociétés similaires poursuivant le même but, ayant un programme analogue au sien, sinon dans toutes ses parties, au moins dans quelques-unes et selon les milieux où les initiatives viennent à se produire. Celà, elle l’a fait dans plusieurs villes, et récemment avec le plus grand succès à Marseille, Nîmes, Montpellier — si je ne me trompe — Lyon enfin, toutes cités actuellement dotées, de Schola populaires, dont l’entrée est ouverte à tous les épris d’art, à toutes les bonnes volontés, à toutes les bourses.

Toutefois, pendant l’été de 1900, Bordes et ses Chanteurs restèrent à Paris et se firent connaître au public cosmopolite attiré par l’Exposition universelle, grâce aux auditions données en la minuscule église de Saint-Julien-des-Ménétriers, construite dans le Vieux-Paris de Robida. Le succès matériel de ces exécutions permit à Charles Bordes de développer sa fondation de la Schola Cantorum et de la transférer de la rue Stanislas à la rue Saint-Jacques, dans l’ancien couvent des Bénédictins anglais. Pour l’inauguration de cette école, M. Vincent d’Indy énonça, devant un auditoire d’amis et d’élèves, les principes qui dirigeraient l’enseignement musical auquel il préside avec le concours de M. Guilmant pour l’orgue et de Ch. Bordes pour le chant.

Il y a deux ans, par une décision vraiment brutale et stupéfiante, dans sa forme laconique, le conseil de fabrique réduisit le traitement du maître de chapelle de Saint-Gervais et supprima sans ambages les dévoués chanteurs coupables probablement d’avoir méprisé pour un art plus pur les fabricants de ces fadasses « sucreries de piété », qui indignaient si fort Charles Gounod, un compositeur de musique religieuse, dont on ne contestera pas l’impartialité, en semblable matière. Charles Bordes, ainsi obligé à rompre son engagement envers l’église qu’il avait rendue célèbre, put dès lors s’adonner avec plus de loisirs, à l’administration de la Schola et aussi à la composition. Dans un prochain article nous étudierons les captivants Lieder de cet artiste, dont la sommaire biographie qui précède permettra — nous l’espérons, du moins — de goûter, avec plus de fruit, l’originalité et le talent. (À suivre)

Henry Fellot.