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avoir lieu. Aussitôt la plume lui tomba des mains et la copie resta inachevée. Jamais, dit-on, une mesure de valse sortit de son cerveau sans que les besoins de son orchestre n’aient rendu absolument nécessaire l’effort colossal qu’était pour lui la notation matérielle. Johann Strauss se considérait comme le protecteur naturel de tous ses musiciens. Autant on l’admirait comme artiste, autant on l’aimait, autant on l’estimait comme homme. Il savait à l’occasion se faire respecter. Vers 1849, se trouvant à Heilbronn, un politicien lui dit par raillerie : « Voyons, Monsieur Strauss, sifflez-nous donc quelque chose. » — « À ceux qui savent apprécier mon art, répondit-il, je joue volontiers quelque chose ; quant aux autres je siffle à leur intention. »

Brahms

De notre confrère Gaston Carraud, de la Liberté :

« Il serait fâcheux qu’une petite coterie qui prétend agir à l’exemple allemand, parvînt à mettre chez nous aussi Johannès Brahms à la mode. Je doute d’ailleurs qu’on y réussisse ; il faut l’estomac allemand pour s’assimiler ces tombereaux de choucroute à la cannelle — mit Delicatessen — et s’illusionner sur la véritable qualité d’une si creuse nourriture. Si bien que l’entendre parfois interpréter, Brahms me fait songer à ces messieurs redoutables, qui se donnent un air profond et mystérieux, parce qu’ils n’ont rien à dire, ou qui, s’ils se décident à émettre, par hasard, une idée, l’exposent de la façon la plus plate et la plus vulgaire du monde. Mais ces gens-là ont sur Brahms un avantage ; d’être plus brefs généralement en leurs discours. »

À propos de « l’Étranger »

Dans un article de l’excellente revue musicale Angers-Artiste, notre confrère Louis de Romain, cite à titre de document et de curiosité les lignes suivantes parues dans le Petit Courrier d’Angers à l’occasion d’une reprise des Huguenots. (Le critique musical du Petit Courrier oppose l’œuvre de Meyerbeer à l’Étranger de Vincent d’Indy, représenté à Angers dans le cours de cette saison.)

« Les Huguenots, qui n’avaient point été donnés sur notre scène depuis la direction Breton, ont eu, hier soir, tout l’attrait d’une nouveauté. Nous dirons même qu’ils ont été la meilleure nouveauté de la saison laissant bien loin derrière eux toutes les roustissures et toutes les purées musicales qu’on a la prétention de nous ingurgiter comme des œuvres de génie.

Toute l’admirable partition de Meyerbeer, d’une si pure mélodie et d’une intensité dramatique si profonde, a été un régal délicieux pour les auditeurs, et bien que l’auteur ne fût point là pour la diriger, le public n’en a pas moins applaudi frénétiquement, et en dehors de toute espèce de cabotinage, les principaux passages. »

Sans commentaires !


Nouvelles Diverses

Le jury du Concours musical de la ville de Paris a cette semaine rendu son jugement.

M. Tournemire a obtenu le prix de dix mille francs pour sa grande symphonie, le Sang et la Sirène, qui sera exécutée par les soins de la ville de Paris.

Une prime de trois mille francs a été attribuée à M. Gabriel Pierné pour sa Croisade des Enfants.

Le jury avait entendu trente et une partition (symphonies ou opéras) parmi lesquelles il a remarqué, en dehors des œuvres primées, Canta de M. Kunc, le Chant du désert}} de M. Pons et Dzaïmma de M. Émile Roux.

On sait qu’un journal illustré avait publié, dans son numéro de mars, la photographie de M. Jacques Thibaut, avec cette note : « le célèbre violoniste qui vient de faire trois millions de recettes, en six mois, en Amérique. »

M. Thibaut a protesté spirituellement contre cette exagération et, rencontrant le journaliste qui avait lancé ce canard sensationnel, lui dit : « Vous savez que c’est du bluff ; je n’ai pas fait trois millions ; mettez le tiers seulement en quarante concerts. Ça n’a pas d’importance pour l’Amérique, mais, ça