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leurs déplacées dans une question tout artistique. Au vrai, ce Congrès fut, transportée sur le terrain musical, la continuation des inimitiés héréditaire entre Latins et Saxons. Le résultat le plus clair du Congrès fut que chacun conserva et enracina plus profondément ses convictions et qu’on clôtura la réunion par un Te Deum polyphonique pour l’exécution duquel chacun des congressistes chanta suivant l’édition qu’il connaissait. La cacophonie qui en résulta montra avec la dernière évidence la nécessité d’adopter pour l’Église universelle une édition unique. Mais laquelle adopter ? l’édition dite officielle, ou l’édition refondue d’après les manuscrits ? La question devait rester pendante vingt ans encore.

(À suivre)

Jean Vallas.

Chronique Lyonnaise

GRAND-THÉÂTRE


Samson et Dalila

Je voudrais noter aujourd’hui quelques impressions, bonnes à dire, peut-être, parce que beaucoup d’amants de la musique, ont dû les ressentir comme moi, et avant moi.

Fêtes mondaines ou grands concerts, toute la précédente semaine avait été occupée à des auditions de musique de chambre, celles particulièrement des admirables artistes que sont les Zimmer. L’opposition de cette forme pure de l’Art supérieur qu’est le quatuor, avec l’Art total qu’est le drame lyrique éclate, violente après huit jours passés sans le presque quotidien pélerinage au Grand-Théâtre, et ne semble pas à l’avantage de l’œuvre scénique quel qu’en soit d’ailleurs le signataire.

La représentation théâtrale comporte tant d’accessoires, veut une telle concordance, une telle fusion d’éléments divers, exige une telle mise au point de choses compliquées, que l’illusion ne se produit guère que par un lassant effort, une tension de la volonté, une décision de ne pas voir les défauts, de supprimer mentalement les lacunes d’une réalisation jamais adéquate à la pensée de l’auteur. Et ce sont les changements à vue qui n’arrivent pas à la seconde dite, les acteurs qui n’ont pas la prestance ou le charme que leur rôle implique ; ce sont surtout les comparses, les hideux comparses dont la justesse vacillante et le geste inexpérimenté rappellent crûment que la lumière dans laquelle ils s’agitent n’est que herses et rampes, fausse et factice comme tout ce qu’elle éclaire.

La musique de chambre, au contraire, sonate ou quatuor, ou, plus encore, et avec un orchestre sans défaut, la symphonie, permettent de substituer aux toiles peintes, les paysages du rêve, des figurines immatérielles, la vision imprécise et charmante de personnages adorablement beaux s’agitant en un décor supérieur à celui du théâtre de toute l’intangible perfection de l’inexprimé.

Ceci explique comment pour vouloir trop embrasser des sens multiples, la musique dramatique étreint mal les âmes, tandis que l’Art Pur agit puissamment sur tous ceux qu’y prédispose leur éducation ou leur sensibilité. Ceci explique pourquoi le Parfait peut être absolu, parce que essentiellement imaginatif, dans la musique de chambre, tandis qu’il n’est jamais qu’extrêmement relatif dans la matérialisation scénique. Ceci explique enfin, (et nunc, paulo minora canamus) pourquoi Samson et Dalila a produit sur les fervents du plus noble des Arts, une impression légèrement défectueuse, que le grand public n’a point partagée.

C’est en effet, devant une salle, sinon délirante, du moins très agréablement satisfaite, que l’œuvre de Saint-Saëns a été exécutée mardi.

Je n’aime pas, pour ma part, le scénario de Samson. Il y a cent fois plus de poésie dans les vingt ou vingt-cinq versets de la Bible consacrés à l’histoire de Schimchoun et de Délilah que dans les trois actes du poème adapté au théâtre. Le manque absolu d’action au premier acte, l’absurdité de ces masses chorales rangées en ordre de bataille sur les côtés de la scène dans le but unique de contempler les œillades de Dalila et les hésitations du héros juif, l’invraisemblance de la scène finale où l’on voit une courtisane devenir la principale auxiliaire du Grand-Prêtre