Page:Revue Musicale de Lyon 1904-03-16.pdf/5

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
257
revue musicale de lyon

* Notation neumatique. — ** Notation grégorienne. — *** Notation moderne.

Mais cette notation était fort insuffisante : si elle avait sur la notation littérale l’avantage d’indiquer le rythme, elle avait, en revanche, l’inconvénient de n’indiquer nullement le son juste des notes ; elle ne pouvait servir qu’à rappeler à la mémoire des mélodies déjà sues. Pour obvier à cet inconvénient, au xe siècle, on plaça les mesures à des hauteurs différentes en s’aidant d’une ligne parallèle au texte sur laquelle on plaçait le fa. Bientôt on en traça deux, fa et do, indiquées par les lettres f et c, puis trois, fa, la, do ; enfin Guy d’Arezzo ajouta une quatrième ligne au-dessus de do ou au-dessous de fa, suivant l’élévation des mélodies ; et il présenta son Antiphonaire noté de cette façon au pape Jean xix qui en fut émerveillé.

En même temps qu’on perfectionnait la portée, on modifiait la forme des notes : elles devinrent plus pleines et plus anguleuses. La vira seule, épaissie au sommet, garda sa queue ; les séries descendantes composées de plusieurs punctum furent écrites en forme de losanges. On eut alors (xive et xve siècles) les formes de notes qu’on retrouve dans les éditions bénédictines.

Plus tard, la science du chant ecclésiastique s’affaiblissant, et les traditions d’exécution se perdant, on en arriva à supprimer les ligatures entre les notes et à en faire ces barbares notes carrées que nous voyons dans la plus des éditions et « qui n’ont entre elles d’autre lien que celui de leur mauvaise grâce et de leur lourdeur. »

On conçoit que des changements aussi profonds dans la notation du plain-chant n’ont pas été sans amener d’aussi profondes modifications dans le texte mélodique lui-même. Pour suivre pas à pas ces changements, il faudrait faire l’histoire des manuscrits de plain-chant. La paléographie musicale des Bénédictins de Solesmes a magistralement exécuté ce travail. Nous nous contenterons de résumer sommairement les résultats de la critique jusqu’à nos jours.

Au xvie siècle les textes de plain-chant sont sensiblement les mêmes que ceux des manuscrits des xie et xiie siècles. Le pape Pie v, qui avait déjà rendu obligatoire pour toute l’Église le bréviaire romain réformé, imposa un texte musical uniforme pour les chants renfermés dans le missel : Préface, Pater, Ite missa est. Le pape Grégoire xiii confia à Palestrina le soin de corriger le Liber Gradualis renfermant les chants de la messe. Palestrina fit-il lui-même ce travail ? Le docteur Haberl l’affirme et croit le prouver ; dernièrement, la question a été reprise à Rome et on a conclu à la négative. Que cette révision soit de Palestrina ou de Anério et Soriano, du graduel qui parut on avait retranché ou du moins largement et maladroitement écourté les neumes prolongés sur une seule syllabe. Rien d’étonnant d’ailleurs puisque, à Rome surtout, on avait perdu la méthode tradi-