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Lorsque se répandit la nouvelle que Beethoven allait quitter Vienne où il était fixé depuis 17 ans, un émoi considérable s’empara des admirateurs du Maître. Trois grands seigneurs voulant à toute force retenir Beethoven, prirent l’engagement de lui servir jusqu’à sa mort une pension annuelle de 4.000 florins. Ces trois généreux Mécènes étaient l’archiduc Rodolphe qui s’inscrivit pour 1.500 florins par an, le prince Loblowitz pour 700 florins et le prince Ferdinand Kinoky pour 1800 florins. Un acte en bonne et due forme fut passé, stipulant les motifs et les conditions de la pension dans des termes qui sont tout à l’honneur de Beethoven et des trois donateurs. Il fut signé le 1er mars 1809.

Beethoven déclina les offres du roi Jérôme. Il était heureux de n’être plus contraint de quitter un séjour qu’il aimait. Il exprima sa joie par ce propos plaisant : « Il était écrit que je ne devais jamais manger des jambons de Westphalie ».

Beethoven qui avait le cœur haut placé dédia en témoignage de reconnaissance un certain nombre de ses plus belles œuvres à chacun de ses trois illustres protecteurs.

L’archiduc Rodolphe qui admirait et aimait énormément Beethoven fut le plus favorisé. En outre de la dixième sonate pour piano et violon, le Maître lui a dédié les œuvres suivantes : Les quatrième et cinquième concertos de piano ; (œuvre 58 et 73) trois sonates pour piano la vingt-sixième (œuvre 81) la vingt-septième (œuvre 106) et la trente-deuxième et dernière (œuvre 111). Le dix-septième et dernier quatuor à cordes (œuvre 133) (grande Fugue). Le célèbre trio à l’archiduc pour piano, violon et violoncelle (œuvre 97). Enfin lorsque l’archiduc Rodolphe fut nommé archevêque d’Olmütz, Beethoven composa pour la cérémonie du sacre la Messe solennelle en .

La dixième sonate présente plus d’une analogie avec la huitième sonate. D’abord sa tonalité. Toutes deux ont leur premier et leurs derniers mouvements en sol majeur. Dans l’une et dans l’autre le mouvement intermédiaire est en mi bémol. Beethoven a fort peu employé la tonalité de sol majeur. Il n’a écrit dans ce ton que deux sonates pour piano et les deux sonates faciles. Aucune de ses symphonies n’est en sol majeur.

Ces deux sonates offrent entre elles une autre ressemblance. La huitième est d’un bout à l’autre une délicieuse pastorale. Dans la dixième, l’allegro moderato initial et l’allegretto final présentent aussi un caractère incontestablement pastoral. Il fait complètement défaut dans l’adagio.

Rien n’est gracieux comme le début de l’allegro moderato. Trois groupes semblables se succèdent formés d’un trille de deux croches et d’une noire. On dirait trois souriantes et aimables révérences. Au bout de quatre mesures, ces salutations plus affables que cérémonieuses se renouvellent, puis la main droite, la main gauche et le violon dans la partie intermédiaire égrènent délicatement en les liant les notes arpégés de trois accords du plus harmonieux effet. Cette succession d’accords arpégés et suivie d’une descente par accords de quart et sixte est tout à fait comparable à la descente du même genre qui est reproduite avec une grande fréquence dans la première scène si mouvementée du troisième acte de la Walkyrie. Dans la sonate de Beethoven cette descente s’effectue par intervalles d’un ton, dans le drame de Wagner elle se fait par intervalles chromatiques.

La première phrase ne consiste que dans les effets rythmiques, groupes et accords arpégés, dont il vient d’être question.

Il existe de par le monde des esprits déplorablement enclins à la parodie. Un facétieux de mauvais goût qui s’aviserait d’affubler le thème saccadé de la deuxième