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un mythe, un instrument fabuleux et l’on n’y croira pas plus dans vingt ans qu’à la corne des licornes.

« L’orchestre du Grand-Théâtre de Lyon possède en revanche, par exception, un hautbois de première force, qui joue également bien de la flûte et dont la réputation est grande, c’est M. Donjon. On y remarque encore le premier violon, M. Cherblanc, dont le beau talent fait honneur au Conservatoire de Paris. Quant à Georges Hainl, le chef de cet orchestre, voici son portrait en quelques mots : à une supériorité d’exécution incontestable sur le violoncelle, supériorité reconnue qui lui a valu un beau nom parmi les virtuoses, il joint toutes les qualités du chef d’orchestre conducteur-instructeur-organisateur, c’est-à-dire qu’il dirige d’une façon claire, précise, chaleureuse, expressive ; qu’il sait en montant les nouveaux ouvrages, faire la critique des défauts de l’exécution et y porter remède autant que les forces musicales dont il dispose le lui permettent, et enfin qu’il sait mettre et en action productive tous les moyens qui sont à sa portée, administrer son domaine musical et vaincre promptement les difficultés matérielles dont chacun des mouvements de la musique, en province surtout, est ordinairement entravé, d’où il résulte implicitement qu’il joint à beaucoup d’ardeur un esprit pénétrant et une persévérance infatigable. Il a plus fait en quelques années pour les progrès de la musique à Lyon que ne firent en un demi-siècle ses prédécesseurs.

« Le jour de mon concert, il fut successivement directeur et exécutant. Il conduisit le chœur, il joua du violoncelle dans la plupart des morceaux symphoniques, des cymbales dans l’ouverture du Carnaval, des timbales dans la Scène aux Champs et de la harpe dans la Marche des pèlerins. Oui, de la harpe. Ce fut même un des incidents les plus plaisants de notre dernière répétition… On m’avait

indiqué un amateur dont le talent sur cet instrument jouit à Lyon de quelque renommée. Avant de recourir à lui, voyons, me dit Georges Hainl, la partie que vous voulez lui confier. Oh ! elle n’est pas difficile ; elle ne contient que deux notes, si et ut… Oui, reprit-il, elle n’a que deux notes, mais il faut les faire à propos et notre amateur ne s’en tirera pas. Votre s… musique est encore de celles qui ne peuvent être exécutées que par des musiciens. Ne vous inquiétez pas de cela néanmoins, j’en fais mon affaire.

« Quand nous vînmes le lendemain à répéter le morceau : « Apportez la harpe » cria Georges en quittant son violoncelle. On lui obéit ; il s’empare de l’instruments, sans s’inquiéter des brocards et des éclats de rire qui partent de tous les coins de l’orchestre (on savait qu’il n’en jouait pas), il enleva tranquillement les cordes voisines de l’ut et du si, et sûr ainsi de ne pouvoir se tromper, il attaque ses deux notes avec un à-propos imperturbable, et la Marche des pèlerins se déroule d’un bout à l’autre sans le moindre accident.

« Un des acteurs du Grand-Théâtre, Barielle, dont la voix de basse est fort belle, chanta d’une façon remarquable ma cantate du Cinq mai. En somme, à l’exception de la Marche au supplice, trahie par la faiblesse des instruments de cuivre, le concert fut brillant sous le rapport musical et satisfaisant du côté… sérieux. Georges Hainl cependant aurait voulu qu’on se tuât pour y entrer, et malgré les auditeurs qui étaient venus de Grenoble, de Vienne, de Nantua et même de Lyon, personne ne fut tué… »

MM. les artistes et organisateurs de concerts qui désirent qu’il soit rendu compte de leurs auditions sont priés d’adresser un triple service à la Rédaction de la Revue Musicale de Lyon, 117, rue Pierre-Corneille.