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D I A L O G V EI I.

cent, ſi mille endurẽt d’vn ſeul, ne dira l’on point qu’ils ne veulent, non pas qu’il n’oſent, ſe prẽdre à luy : Et que c’eſ‍t non couardiſe, mais pluſ‍toſ‍t meſpris ou deſdain. Si l’on voit, non pas cẽt, non pas mille hommes : mais cent pays, mille villes, vn million d’hommes n’aſ‍ſaillir pas vn ſeul, duquel le mieux traité de tous en reçoit ce mal d’eſ‍tre ſerf & eſclaue : Comment pourrons-nous nommer cela ? Eſ‍t-ce laſcheté ? Or y a-il en tous vices naturellement quelque borne, outre laquelle ils ne peuuent paſ‍ſer. Deux peuuent craindre vn & poſ‍ſible dix le craindront : Mais mille, mais vn million, mais mille villes ſi elles ne ſe defendent d’vn ? Ce n’eſ‍t pas couardiſe, elle ne va pas iuſques la : non plus que la vaillance ne s’eſ‍tend pas qu’vn ſeul eſchelle vne ſeule fortereſ‍ſe, qu’il aſ‍ſaille vne armee, qu’il conquiere vn Royaume, Donc quel mõſ‍tre de vice eſ‍t cecy, qui ne merite encore pas le nõ de couardiſe, qui ne trouue pas de nom aſ‍ſez vilain, que la nature deſauoue auoir fait, & la longueur refuſe de le nommer.
Qu’on mette d’vn coſ‍té cinquante mille hommes en armes : d’vn autre autant, qu’on les range en bataille, qu’ils viennent à ſe ioindre, les vns combatans pour leur franchiſe, les autres pour la leur oſ‍ter : auſquels promettra-on par cõiec‍ture la vic‍toire ? Leſquels penſera l’on qui plus gaillardement iront au combat ? ou ceux qui eſperẽt pour le guerdon de leur peine l’entretenemẽt de leur liberté ? Ou ceux qui ne peuuent attẽdre autre loyer des coups qu’ils dõnent, ou qu’ils reçoiuent,

que la ſeruitude d’autruy ?

Les