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D I A L O G V EI I.

deux Princes, à qui contraindra ſon ennemy vaincu, deſnué de ſes armes, hors de tout eſpoir, de requerir la paix. Car on combat à qui ſera le plus fort, & le plus puiſ‍ſant : mais quand entre le Pere & les enfans pour la meſchanceté du pere on en vient là, l’honneur du pere eſ‍t acheué de perdre, s’il s’eſ‍ſaye de les vouloir forcer, de leur faire rendre les armes le pied ſur la gorge, de les mener en triomphe liez au derriere de ſon chariot. Celuy eſ‍t (dis ie) vn trop lourd deshonneur de le faire : c’eſ‍t ſe rendre ignominieux ſoy-meſme, & pourchaſ‍ſer ſa honte à ſes deſpens.
Son honneur eſ‍t de ſe montrer benin, & doux, enclin à pitié, recercher tous moyens de les regagner, & les retirer du deſeſpoir où il les a mis. Et le Prince qui ne ſuit ceſ‍te voye, ſous vn faux pretexte de conſeruer ſa reputation, la pert en ce point, & acquiert celle d’vn tyran inhumain. Pour ce auſsi qu’on penſe que ſes ſuiets vienent en cõpetence auec luy, & qu’il veut monſ‍trer qu’il eſ‍t plus fort qu’eux : comme ainſi ſoit qu’il deut mõſ‍trer (s’il luy eſ‍toit poſsible) qu’il eſ‍t meilleur Prince, qu’ils ne ſont ſuiets : & plus benin, & clement, qu’ils ne ſont obeiſ‍ſans.
Les bons Princes, ſont eſ‍timez eſ‍tre l’image de Dieu en terre. Dieu auquel les hommes ſont plus tenus qu’aux Rois, & Prĩces, veut auoir ceſ‍t honneur de nous aimer premier que nous luy : & ne le pouuons aimer, que premier il ne nous aye aimez. Il ne ſe courrouce iamais iniuſ‍tement, cõme les hõmes à toutes heures : & toutefois il ceſſe pluſ‍toſ‍t de nous hair, que nous luy : & deſpouil-